Ce qui n’était qu’une formule récurrente dans les programmes gouvernementaux et les discours présidentiels — placer toutes les armes sous l’autorité exclusive de l’État — est désormais en train de devenir une réalité politique. Sous la direction du Premier ministre Nawaf Salam et du président Joseph Aoun, le Liban tente de réaffirmer sa souveraineté sur la question des armes, passant des mots à l’action.

Deux pistes parallèles émergent :

- Un « dialogue sur les armes » direct entre la présidence et les dirigeants du Hezbollah.

- Et des discussions au niveau du Conseil des ministres, qui seront officiellement amorcées aujourd’hui au palais présidentiel.

Cette dynamique s’inscrit dans un cadre bien défini par deux axes :

- Un calendrier précis pour le désarmement des groupes armés non étatiques.

- Un mécanisme concret pour intégrer ou démobiliser les combattants armés.

Le président Aoun s’est engagé à une échéance claire : d’ici la fin de l’année 2025, toutes les armes devront être placées sous l’autorité de l’État libanais. Une position qui reflète les exigences des forces politiques souverainistes, qui réclamaient un délai de six mois, mais aussi les pressions américaines, arabes et internationales en faveur d’une action rapide.

Étant donné la dispersion des dépôts d’armes du Hezbollah — du sud du Litani aux banlieues sud de Beyrouth, en passant par la Békaa et certaines zones du Mont-Liban — le processus de démantèlement prendra du temps. L’armée libanaise, toutefois, a déjà démontré des progrès notables depuis la fin des hostilités le 27 novembre 2024.

Dans des entretiens récents accordés à Al Jazeera et Al-Araby Al-Jadeed, le président Aoun a souligné que la question des combattants armés serait intégrée à une stratégie de sécurité nationale globale — et non à l’ancienne « stratégie de défense » discutée lors des tables rondes entre 2006 et 2012.

Cette nouvelle approche consacre la défense du Liban comme une responsabilité exclusive de l’armée et des forces de sécurité, sous le commandement unique des autorités constitutionnelles. L’article 49 de la Constitution est explicite : le président de la République est le commandant suprême des forces armées, lesquelles sont soumises au Conseil des ministres. Il n’y a plus de place pour des groupes armés parallèles ou des milices partenaires.

Dans ce cadre, les anciens scénarios évoqués — intégrer des unités du Hezbollah dans l’armée, créer des brigades auxiliaires ou suivre le modèle des Forces de mobilisation populaire irakiennes — sont écartés. Le président a cependant proposé que certains membres du Hezbollah puissent être recrutés individuellement dans l’armée, à l’image de ce qui a été fait avec d'autres milices après l’Accord de Taëf.

Néanmoins, ce processus s’annonce plus délicat. Les combattants du Hezbollah ont subi une endoctrination idéologique intense, jurant fidélité au Guide suprême iranien et répétant des slogans tels que : « Les armes protègent les armes », « Une seule et même ligne de front », « Martyr sur le chemin de Jérusalem », ou encore, plus récemment : « Les armes sont entre les mains du Mahdi attendu ».

Toute intégration devra donc être strictement encadrée afin de préserver l’unité doctrinale et l’identité nationale de l’institution militaire.

La proposition a déclenché une levée de boucliers du côté de l’aile dure du Hezbollah. Certains responsables ont réagi aux déclarations du président Aoun par des menaces à peine voilées, reprenant les mots fameux de l’ancien secrétaire général Hassan Nasrallah : « Toute main qui s’en prend à nos armes sera tranchée. »

Hier encore, le haut responsable Mahmoud Qomati a rejeté, dans deux interviews, le calendrier de désarmement proposé, affirmant que « les armes de la résistance » doivent rester au cœur de toute doctrine de défense.

Reste à savoir si ce rejet vise à négocier des concessions politiques ou à gagner du temps dans l’attente de l’issue des négociations entre l’Iran et les États-Unis. Quoi qu’il en soit, la direction semble désormais irréversible.

Comme l’ont déclaré les hauts responsables de l’État : « La décision est prise. Le consensus, tant national qu’international, se renforce, et les circuits de contrebande d’armes font l’objet d’une surveillance accrue. Comme le dit un proverbe libanais : «Une source sans eau, tarit »

Même au sein du camp chiite, les plus réalistes commencent à reconnaître l’inévitabilité du processus. Ils tolèrent désormais les opérations de l’armée visant à saisir les armes et à vider les tunnels — non seulement au sud du Litani, mais aussi dans d’autres régions stratégiques.

Parier sur un retour de l’influence dominante de l’Iran au Liban paraît de plus en plus vain. Téhéran négocie aujourd’hui pour sauver son régime et alléger les sanctions, en échange de concessions sur son programme nucléaire, ses missiles et ses leviers régionaux.

Quant aux éléments les plus radicaux du Hezbollah, il ne leur reste qu’à suivre la voie de la modération — celle de la sagesse printanière avant les chaleurs de l’été.