Alors que les tensions commerciales mondiales s’intensifient — alimentées par l’imposition de tarifs douaniers massifs sur 180 pays par l’ancien président américain Donald Trump — un acteur inattendu pourrait en tirer parti : le Liban. Les États-Unis appliquent actuellement un droit de douane de seulement 10 % sur les exportations libanaises, l’un des plus bas au monde, offrant ainsi au Liban un avantage concurrentiel significatif. Mais ce privilège n’est pas qu’une simple fenêtre passagère : il représente une occasion stratégique pour le Liban de redéfinir sa place sur le marché américain.
À cela s’ajoute la possibilité que la Chine réduise les prix de ses exportations ou dévalue sa monnaie pour compenser ses pertes, conjuguée à une baisse des prix mondiaux du pétrole. Le Liban se retrouve à un carrefour décisif, tiraillé entre crise économique et potentiel de redressement. Au cœur de ce chaos commercial, il pourrait saisir une occasion inédite de réduire son déficit commercial et d’insuffler un nouveau souffle à son économie fragilisée.
Une facture d’importation allégée
La Chine, grande perdante dans cette guerre tarifaire, pourrait réagir en augmentant les prix de ses exportations pour compenser ses pertes sur le marché américain. Mais cette stratégie a ses limites. Malgré sa population colossale, le marché intérieur chinois souffre d’une faible capacité d’achat, insuffisante pour absorber les pertes à l’export. Après des décennies de croissance tirée par les exportations, Pékin se retrouve avec peu d’options à court terme.
Les analystes estiment donc que la Chine est plus susceptible d’opter pour des mesures alternatives, comme une baisse des prix ou une dévaluation du yuan, afin de préserver sa compétitivité. On estime à 40 % la probabilité que les prix à l’exportation soient réduits, et à 40 % également celle d’une dévaluation de la monnaie chinoise, selon les stratégies économiques adoptées de longue date par Pékin. Si ces scénarios se concrétisent, le Liban pourrait en bénéficier en voyant sa facture d’importation diminuer, allégeant ainsi son déficit commercial et ralentissant la sortie des devises étrangères.
Illustration 1 : Simulation estimant la probabilité de chaque scénario envisagé par les autorités chinoises (Source : Nos calculs).
Illustration 2 : Taux de change du dollar américain face au yuan chinois (Source : investing.com)
De plus, la baisse du prix du pétrole — conséquence du ralentissement de la demande, notamment de la Chine et de l’Inde — pourrait alléger significativement la facture énergétique du Liban ainsi que les coûts de transport des marchandises importées. Bien qu’il soit difficile de chiffrer précisément les économies potentielles dans le contexte actuel, cet allègement contribuerait à réduire le déséquilibre commercial du Liban et la pression budgétaire, tout en améliorant le pouvoir d’achat des citoyens et en maîtrisant l’inflation.
Illustration 3 : Prix du baril de pétrole brut américain (Source : investing.com)
Exportations libanaises : un atout rare sur le marché américain
Le faible niveau des droits de douane américains sur les produits libanais constitue une opportunité exceptionnelle pour renforcer les exportations nationales. Avec un taux de 10 % — parmi les plus bas au monde — et une capacité réelle à rivaliser sur le plan qualitatif, les entreprises libanaises ont une carte à jouer sur le marché américain. Mais le temps presse. Si elles tardent à réagir, cette opportunité pourrait rapidement disparaître.
Le rôle du ministère de l’Économie et du Commerce est ici crucial. Il doit évaluer les besoins du marché américain et identifier les produits libanais qui pourraient y trouver leur place, en s’appuyant sur une stratégie commerciale en trois phases :
Court terme : cibler les secteurs prêts à l’exportation comme le vin, l’agroalimentaire ou les produits artisanaux emblématiques, capables d’accéder rapidement au marché américain.
Moyen terme : repérer les produits nécessitant des ajustements mineurs pour répondre aux normes américaines, et accompagner les entreprises dans cette démarche.
Long terme : encourager l’investissement privé dans de nouvelles gammes de produits porteuses d’avenir pour l’économie libanaise.
En parallèle, le ministère doit jouer un rôle de facilitateur entre les exportateurs libanais et les importateurs américains, en s’appuyant sur les réseaux diplomatiques du Liban et les conseils d’affaires libano-américains — des leviers souvent inaccessibles au secteur privé.
Les conditions de la réussite
Bien entendu, pour que le Liban puisse tirer profit de ces opportunités, il doit impérativement engager des réformes structurelles dans les domaines administratif, financier et, surtout, bancaire — car c’est par les banques que les paiements internationaux transitent. La stabilité politique et sécuritaire est également indispensable, comme le rappellent constamment les partenaires internationaux du Liban.
La relance économique ne constitue pas seulement un objectif national, elle est la clé de la résilience sociale. Une croissance soutenue permettrait d’accroître les revenus de l’État et de renforcer les investissements dans les services publics (santé, éducation, infrastructures). Mais pour y parvenir, il faut également doter le pays d’infrastructures modernes, aujourd’hui gravement déficientes.
Le Liban doit d’urgence élaborer une stratégie nationale pour ses infrastructures, découpée en étapes réalisables et financée à la fois par des ressources locales et des investissements étrangers, idéalement dans le cadre de partenariats public-privé.
À l’heure où le commerce mondial se redessine, le Liban détient une chance rare de réécrire son avenir économique. Reste à savoir s’il saura agir à temps pour transformer cette possibilité… en progrès réel.