Pris en étau dans la lutte croissante entre deux superpuissances mondiales — les États-Unis et la Chine — le Liban se retrouve victime collatérale d'une nouvelle guerre froide. Si cette confrontation peut sembler lointaine géographiquement, ses répercussions se font sentir à Beyrouth, assombrissant les perspectives de résolution politique et compliquant sérieusement les tentatives de redressement national.
Aujourd'hui, le Liban se tient à un carrefour périlleux. Piégé dans un enchevêtrement de crises qui s’alimentent mutuellement, il voit son chemin vers la sortie obstrué par des rivalités internationales qui le dépassent. Alors que le bras de fer économique entre Washington et Pékin s'intensifie, les fragilités politiques, économiques et sécuritaires du pays s’exacerbent, repoussant encore davantage l’éventualité d’un redressement.
Le conflit américano-chinois dépasse le simple cadre commercial : c’est une confrontation globale, nourrie de droits de douane réciproques, mais aussi d'une lutte acharnée pour la suprématie technologique — notamment dans les domaines de l'intelligence artificielle et des transports. L'enjeu ultime : remodeler l’ordre mondial, dominer les grandes institutions internationales et les circuits financiers globaux.
Dans ce climat international tendu, parvenir à un consensus devient de plus en plus difficile. Le Liban reste suspendu dans une forme d’attente diplomatique indéfinie, ses solutions politiques étroitement liées à des ententes régionales et internationales complexes, notamment entre Washington, Paris, Riyad et Téhéran.
En exerçant une pression économique sur la Chine, Washington espère également réduire la marge de manœuvre de l’Iran, dont le partenariat économique avec Pékin ne cesse de croître. Cette stratégie renforce la position des alliés locaux de Téhéran au Liban et complique les négociations internes.
Dans un contexte de ralentissement économique mondial, les grandes puissances deviennent plus frileuses à investir ou à accorder de l'aide. La capacité du Liban à attirer des financements ou à re-négocier des plans de sauvetage s'amenuise, aggravant encore la crise.
Par ailleurs, le pivot stratégique des États-Unis vers l’Asie-Pacifique pour contrer la Chine se traduit par un désengagement progressif du Moyen-Orient, y compris du dossier libanais. Ce retrait ouvre la voie à d’autres puissances régionales, qui interviennent en fonction de leurs intérêts propres, ajoutant une couche supplémentaire de complexité au paysage politique libanais.
Conséquence directe : le Liban risque un effondrement politique et économique plus profond encore, dans un contexte d’immobilisme institutionnel et sans horizon clair. L’impasse pourrait se prolonger jusqu'à ce qu'un compromis international plus large soit trouvé — une éventualité qui, à ce jour, semble encore lointaine.
Il reste cependant un espoir : que certaines puissances européennes, notamment la France, parviennent à exercer des pressions diplomatiques ciblées pour imposer une forme de règlement partiel, permettant ainsi de relancer graduellement le processus de réforme.
Mais le Liban ne peut plus se permettre d'attendre. Le moment doit être saisi, non pas dans la précipitation, mais avec détermination. Les dirigeants doivent faire preuve d’initiative, respecter l’esprit et la lettre des cessez-le-feu, et enclencher sans délai la mise en œuvre des engagements pris dans les discours présidentiels et les déclarations ministérielles.
Dans ce contexte, l'attente n’est plus une option.