Bruno Le Maire annonce 20 milliards d’euros d’économie budgétaire. Est-ce suffisant ? Le ministre des Finances parle aussi du retour d’une « TVA sociale »…Gabriel Attal parle de « rigueur » pour les Finances publiques ! 

La position gouvernementale énoncée par le ministre de l’Économie et des Finances parait simple. Résumons-là : moins de croissance économique, donc moindres recettes fiscales d’où la nécessité d’économies budgétaires. Cette simplicité apparente est un leurre et abuse de la crédulité de l’opinion française. En fait, tout part d’une surestimation de la croissance par le ministre. Il a rêvé de 1,4% alors même que le consensus des économistes se situait autour de 0,9% et que le Haut Conseil des Finances publiques qualifiait d’ «  optimiste «  la prévision de croissance retenue dans le budget. Ce PLF pour 2024 pose désormais une question de sincérité d’élaboration.

 Avec une hypothèse de départ imprudente et intellectuellement impudique, le résultat est forcément déceptif. Pour ma part, à suivre les prévisions de l’OCDE et du FMI, j’observe que le taux retenu par Bercy, soit 1%, est fort aléatoire. Nos partenaires de la zone Euro traverse une conjoncture médiocre à commencer par l’Allemagne qui est bel et bien en récession.

Un taux de croissance voisin de 0,5% n’est pas une prévision relevant de l’absurde.

L’Insee vient de publier le chiffre du dernier trimestre 2023 : +0,1% ce qui ne place en tangente de la récession. Les recettes, notamment d’I.S et de TVA, sont en repli de près de 8 Mds. Au moyen d’une arithmétique simplifiée, le ministre Le Maire a donc annoncé un gel de crédits budgétaires à hauteur de 10 Mds d’Euros. De manière surprenante – autant que prévisible – il a gommé, lors de son interview sur TF1 – l’ampleur actée du déficit qui s’élève à – 173 Mds soit près de deux fois le volume des rentrées fiscales issues de l’impôt sur le revenu.

Autant dire, avec sérénité mais componction, que les premières annonces de 10Mds d’économies formaient une mesurette lorsqu’on rapporte cette somme à l’ampleur de notre déficit. Pour ma part, entre les aléas géopolitiques et la propension à la dépense de notre sphère publique, je considère que nous risquons de voir survenir une tranche de 20 Mds additionnels de déficit budgétaire.

Le déficit de la sécu atteindrait 11,2 milliards d’euros cette année et passerait à plus de 17 milliards en 2027… Notre service de la dette explose . Peut-on échapper en avril prochain à une dégradation de notre note financière par les agences de notations ?

Les Français sont en souffrance et ceci transparaît à travers différents paramètres :  consommations alourdies d’anxiolytiques, essor des arrêts de travail, multiplications des prescriptions post-Covid. Ainsi, les dépenses d’assurance-maladie croissent tandis que le tassement de l’activité économique va tarir une fraction du financement du budget social. Là encore, le dernier PLFSS voté sera pour partie caduc.

Si l’on suit la tendance, en 2027, notre pays sera proche des 20 Mds de déficit social.

 Pour le service de la dette, la question mérite une réflexion sereine mais grave. Endettée à hauteur de 3.100 Mds à fin 2024 ( si on prend le soin loyal de consolider la dette via l’intégration du déficit d’exécution du PLF  ), la France va frôler les 45 Mds d’intérêts ou encore de service de la dette.

Le service de la dette va devenir le premier budget de l’Etat… Affolant !

Bercy a publié, il y a trois mois, un document prévisionnel indiquant qu’en 2027, le service de la dette serait le premier poste budgétaire national puisque situé à 70 Mds d’Euros. Faute de rigueur depuis des décennies, nous serons face à une sévère cure d’austérité ( rigueur XXL ) dont je doute que le corps social sera en mesure d’en accepter le taux d’efforts. C’est probablement un élément de la réflexion des agences de notation qui, pour l’heure, se cantonnent à constater que le potentiel fiscal français est consistant et que la collecte de l’impôt est efficace. Autrement dit, notre situation objective ( les grands agrégats et la dette ) n’est pas bonne mais les moutons acceptent la pression fiscale. Souvenons-nous de la hausse de la CSG sur les retraités.

La logique d’une dégradation de la note française est devant nous mais il faut garder en mémoire le raisonnement déployé par deux agences pour ce qui concerne la dette de la Ville de Paris. Au constat brutal ( 2Mds du temps de Bertrand Delanöe versus 9 Mds sous la gestion de Madame Hidalgo ), les agences mettent en avant le potentiel contributif des Parisiens et des entreprises ayant leur siège social. Je ne trouve pas chimiquement pur le raisonnement qui censure un compte de résultat mais avalise un bilan marqué par la dette sous prétexte que les portefeuilles parisiens sont garnis.

De plus, une dégradation de la note de la France aurait un impact classique et finalement digeste. Pourquoi ? tout simplement parce que nos taux d’emprunt seraient certes plus élevés mais que les détenteurs de nos tranches de dette ( 58% de non-résidents ) continueraient à nous faire confiance car l'épargne privée hors immobilier représente une manne de 6.850 Mds d’Euros et joue – à son corps défendant – un rôle de caution.

Le Gouvernement ne gère pas en bon père de famille et reporte, de facto, la qualité de sa gestion sur une dette que les particuliers et leurs descendants auront à honorer. Pour partie. Pour un point approfondi, il faut lire l’estimé Jacques de Larosière.

Preuve que nous vivons depuis trop longtemps au-dessus de nos moyens, Bercy semble vouloir s’attaquer au coût de notre modèle social…Les pistes sont nombreuses de la réduction des allocations chômage à l’assujettissement des remboursements de frais de santé au niveau des revenus… Qu’en pensez-vous ?

Pas du bien !  En réalité, la France est pilotée par des esprits nourris par une mauvaise assimilation des enseignements de John Maynard Keynes et par un socialisme rampant digne des pratiques suédoises des années 1980.

Elle se gargarise de solutions où «  la tête pointue de la toupie «  ( donc les plus hauts déciles de revenus ) paye et paye encore.

Ceci au mépris du droit de propriété. Regardez comme l’idée des «  loyers virtuels «  consistant à fiscaliser une fraction de votre résidence principale ( France Stratégie, J Pisani-Ferry ) ou le possible abandon de l’exonération des plus-values pour la résidence principale. Clairement, la remise en ordre des finances publiques provoquera un big bang qui démotivera bien des contribuables.

Comment évaluez-vous le risque politique à reformer un modèle social, certes,  à bout de souffle financièrement mais, dans un contexte d’inflation, qui amoindrit le pouvoir d’achat de nombre de ménages ?

Il m’est arrivé de croire en la capacité réformatrice de l’Exécutif actuel. A voir les résultats, je conviens de mon erreur. Désormais, j’attends les lendemains et un audit de la France digne de celui réalisé par François Bloch-Lainé en 1981. La vérité des flux financiers publics est à révéler par-delà les messages de piètre communication politique.

Nos finances publiques sont particulièrement dégradées : où se trouvent les responsabilités ? Peut-on imaginer que la France fasse défaut sur sa dette publique ?

L’évaporation de la croissance forte des Trente Glorieuses génère un déficit annuel qui, in fine, nous paupérise.

La France ne fera pas défaut sur sa dette ( épargne privée en caution et faculté de voter, comme en 1983, un emprunt obligatoire ) mais si le mur de la faillite excite certains esprits, je considère que nous risquons la déconfiture dont le rappel de la définition juridique privée s’impose : c’est l’Article 1613 Code civil , version en vigueur depuis le 21 mars 1804 (Création Loi 1804-03-06 promulguée le 16 mars 1804)

Il ne sera pas non plus obligé à la délivrance, quand même il aurait accordé un délai pour le paiement, si, depuis la vente, l'acheteur est tombé en faillite ou en état de déconfiture, en sorte que le vendeur se trouve en danger imminent de perdre le prix ; à moins que l'acheteur ne lui donne caution de payer au terme. Les civilistes savent écrire ( sans changement depuis 1804 ! ) et la notion de déconfiture n’est pas la faillite dont l’État est sensé être protégé. En revanche, elle pose la question de la fourniture « d’une caution de payer au terme « … Comme pour des parents qui payent parfois la caution visant une location de leurs enfants.