Ces derniers jours, le Moyen-Orient a été le théâtre d’une vague notable d’activités israéliennes — intensification des frappes aériennes, multiplication des messages diplomatiques et élargissement des tournées de terrain — soulevant une question légitime et ouverte : Israël se prépare-t-il à ouvrir de nouveaux fronts dans la région, ou cherche-t-il plutôt, à sa manière, à imposer une équation porteuse d’une paix durable, même si cette paix devait être obtenue par la force militaire ?

Les exemples révélant ce qui traverse l’esprit des décideurs à Tel-Aviv sont innombrables.

La frappe aérienne israélienne contre le camp palestinien d’Aïn al-Hilweh, près de Saïda, mardi, a constitué un changement significatif dans la stratégie militaire mise en œuvre sur le territoire libanais, d’autant qu’il s’agissait de la première frappe, depuis le cessez-le-feu du 27 novembre dernier, visant un site en dehors des installations liées au Hezbollah.

Un signe inquiétant ou un simple incident isolé ?

Avant cela, l’annonce de l’annulation de la visite que devait effectuer le commandant de l’armée libanaise, le général Rodolphe Haykal, aux États-Unis, s’était imposée comme un autre élément d’un paysage politico-sécuritaire de plus en plus complexe.

Pour Washington, l’armée libanaise est normalement considérée comme un facteur de stabilité à la frontière, ce qui signifie que toute interruption des canaux de communication laisse supposer soit l’apparition de réserves américaines, soit une révision en cours de la nature de l’aide militaire, notamment dans un contexte d’accélération des opérations israéliennes au nord.

Dans ce contexte, l’ambiguïté entourant cette annulation s’inscrit dans un climat régional tendu, les États-Unis semblant vouloir réajuster leurs relations avec les institutions libanaises en fonction des risques d’escalade — ou des chances de la contenir — surtout après l’évolution notable de mercredi soir, lorsque les forces israéliennes ont frappé des positions du « Hezbollah*

dans la localité de Beit Lif, située à quelques kilomètres seulement de la frontière libano-israélienne.

Nawaf Salam… et le langage de la « négociation » avec les Israéliens

Le positionnement exprimé jeudi par le Premier ministre libanais Nawaf Salam sur la question de négocier avec Israël, conjugué à l’engagement de son gouvernement d’appliquer la clause du programme ministériel relative au monopole de l’État sur les armes, ouvre également de nouvelles perspectives que les États-Unis pourraient exploiter pour intensifier leurs efforts de stabilisation à la frontière libano-israélienne, ce qui pourrait freiner l’escalade militaire israélienne — d’autant que la position de Salam rejoint sur le fond celle récemment exprimée par le président, le général Joseph Aoun, concernant les négociations avec l’État hébreu.

Netanyahu dans le sud de la Syrie : un double message à Damas et à Washington

La tournée sur le terrain du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou dans le sud de la Syrie — accompagné des ministres de la Défense et des Affaires étrangères — a ajouté une dimension dramatique à la scène, d’autant plus qu’elle est intervenue quelques jours seulement après la visite historique du président syrien Ahmad al-Sharaa à Washington, donnant à cette apparition l’allure d’un message direct indiquant qu’Israël surveille de près le nouveau comportement syrien.

Et si Tel-Aviv redoute que le rapprochement américano-syrien ouvre la voie à un nouveau déploiement syrien près du Golan, la visite de Netanyahou a envoyé un message clair : Israël ne permettra aucune modification des règles d’engagement en vigueur depuis des années, même si les circonstances exigent une action militaire préventive pour contrer tout changement potentiel.

Entre escalade et paix imposée par la force

Du Liban à la Syrie, le tableau apparaît étroitement lié : Israël avance sur plusieurs fronts parallèles, envoie des messages multiples, mais tous convergent vers un même objectif — redéfinir l’environnement sécuritaire régional afin de l’adapter à ses intérêts stratégiques et vitaux, même si cela nécessite une escalade calibrée.

La grande question reste ouverte : Israël prépare-t-il le terrain pour des conflits courts et intermittents afin d’éviter une guerre majeure ? Ou bien teste-t-il les limites de la force pour parvenir à une paix durable, plus proche de l’imposition d’un nouveau rythme régional par la puissance militaire ?

Entre ces deux options, le Moyen-Orient se trouve au seuil d’une nouvelle phase — qui pourrait offrir des opportunités de règlement ou glisser vers des confrontations plus larges, selon l’ampleur des calculs, ou des paris, qu’Israël ou ses adversaires choisiront d’assumer dans les semaines à venir.