Le Liban est rentré des réunions annuelles d’automne du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale à Washington, les mains vides, sinon de paroles. Des paroles, répétition des mêmes avertissements que ces institutions adressent depuis des années aux responsables libanais, bien avant l’effondrement : cessez d’acheter du temps et commencez à appliquer des réformes.
La délégation, conduite par le ministre des Finances Yassine Jaber et composée des ministres de l’Économie et des Affaires sociales ainsi que du gouverneur de la Banque du Liban, est arrivée avec assurance. Elle pensait que l’adoption de la loi sur le secret bancaire amendé, du texte sur la restructuration du secteur bancaire, d’un plan de redressement économique à moyen terme, ainsi que la création d’autorités de régulation pour l’électricité, les télécommunications et l’aviation civile, suffirait. Mais elle a découvert que ces mesures avaient peu de poids dans les couloirs des grandes institutions internationales.
Portée des réunions
Officiellement, les assemblées du FMI et de la Banque mondiale, organisées au printemps et à l’automne, se concentrent sur les grands défis de l’économie mondiale : dette souveraine, inflation, corruption, pauvreté, effondrement des monnaies et changement climatique. Les problèmes propres aux États ne sont abordés que dans le cadre de sessions régionales ou de discussions bilatérales entre délégations et responsables internationaux. Ces échanges ressemblent davantage à des exercices de réflexion qu’à des engagements concrets.
Sur le fond, les acquis présentés par la délégation libanaise avaient déjà été jugés insuffisants par une mission du FMI lors de sa récente visite à Beyrouth. La nouvelle loi sur le secret bancaire reste inappliquée. Le secteur bancaire nécessite des réformes profondes. La loi sur l’« écart financier » demeure floue. Les mesures de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme progressent lentement. Et de sérieuses inquiétudes persistent quant à l’efficacité des nouvelles autorités de régulation, soupçonnées de n’être que des conseils d’administration aux salaires gonflés, à l’instar de nombreuses agences créées ces dernières années.
Un accord avec le FMI en suspens
Même les responsables libanais reconnaissent les obstacles à un accord. Yassine Jaber a affirmé que « 60 % des exigences liées à la réforme du secteur bancaire » faisaient consensus, mais que le reste restait en suspens. Il a répété que parvenir à un programme avec le FMI « prend du temps », rappelant le refus des banques locales d’assumer l’essentiel des pertes ou d’accepter des fusions forcées. Selon lui, un audit complet des banques est nécessaire pour vérifier dépôts, capitaux et pratiques. L’élaboration d’un cadre juridique pourrait prendre deux à trois mois, mais l’application, une fois la loi adoptée au Parlement, nécessiterait beaucoup plus.
Le Liban et la Banque mondiale
Du côté de la Banque mondiale, Jaber a souligné que l’institution avait déjà approuvé plus d’un milliard de dollars de prêts depuis les réunions du printemps, dont certains sont en cours d’exécution, mais beaucoup attendent encore leur validation par le Parlement. La délégation a insisté sur l’urgence d’accélérer les projets d’électricité, de gaz et d’eau, tout en préparant de nouveaux programmes de protection sociale et de transformation numérique.
La Banque mondiale a salué ces efforts et, en signe de soutien, dix administrateurs se rendront au Liban début novembre. La délégation a également rencontré la Commission européenne, qui s’est dite prête à augmenter ses subventions et aides, à condition qu’un programme clair et un accord avec le FMI soient conclus.
Défis à venir
« La mise en œuvre des réformes est une nécessité nationale avant d’être une exigence internationale », répète Jaber. Mais la sélection partielle des réformes, ou leur application édulcorée, pourrait être plus dangereuse que l’inaction. Le projet de budget 2026 en est l’illustration : un plan d’austérité supplémentaire, bourré de taxes et de droits, mais dépourvu de vision réformatrice. Pire encore, il ignore les comptes nationaux et le milliard de dollars de prêts déjà contractés. Résultat : une économie prisonnière du modèle rentier et des transferts des expatriés.
Selon la dernière étude de la Direction centrale de la statistique, les transferts annuels nets ont bondi de 2,4 milliards de dollars en moyenne entre 2013 et 2019 à environ 7 milliards entre 2020 et 2023. Depuis l’effondrement, ces transferts représentent 18,7 % du PIB, contre seulement 4,7 % avant la crise.
Le parallèle égyptien
Le Liban pourrait bien suivre la voie de l’Égypte, où le recours massif à l’endettement a fait exploser le service de la dette, représentant près de la moitié des dépenses prévues dans le budget 2026. Une telle charge rogne sur les dépenses sociales et révèle un déséquilibre flagrant des priorités. Avec un PIB qui, dans le meilleur des cas, n’excède pas 30 milliards de dollars, le poids de la dette actuelle et future rend la comparaison inquiétante.
Participation symbolique ou réelle volonté ?
« La participation du Liban à ces réunions n’est-elle qu’un geste symbolique, ou existe-t-il une véritable volonté de réformer et de reconstruire notre pays ? » s’interroge le Dr Fouad Zmokhol, président de l’Union internationale des hommes et des femmes d’affaires du Liban. Selon lui, la présence internationale est importante, mais l’essentiel est de passer des discours aux actes, en mettant en œuvre les stratégies promises.
Pour l’heure, le Liban reste enlisé dans l’automne de sa crise, offrant des feuilles fanées au lieu de véritables réformes, à l’intérieur comme sur la scène internationale.
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