À l’issue de la dernière séance de la commission des Finances et du Budget, son président, le député Ibrahim Kanaan, a annoncé que la loi autorisant la Banque du Liban à émettre de nouveaux billets avait été amendée pour tenir compte des recommandations du président de la République. La plus notable : l’introduction d’un billet de 5 millions de livres libanaises.

Un financement supplémentaire pour le secteur public

Kanaan a également révélé que la commission avait approuvé une ligne de crédit additionnelle de 2 000 milliards de livres afin d’assurer l’augmentation récemment décrétée de 12 millions de livres par mois pour chaque retraité du secteur public. Il a souligné que la commission cherchait une solution globale et équitable à cette question sociale sensible. Dans un souci de transparence financière, la commission a aussi demandé au ministère des Finances de fournir tous les détails concernant les comptes du Trésor, les recettes et toute dépense supplémentaire prévue d’ici la fin de l’année.

La logique derrière le nouveau billet

L’introduction du billet de 5 millions intervient alors que la livre libanaise poursuit sa chute face au dollar américain. Selon les experts, l’objectif principal de cette nouvelle coupure est de faciliter les transactions quotidiennes dans un contexte d’inflation, puisque le billet le plus élevé en circulation – 1 million de livres – ne suffit plus à couvrir certaines opérations commerciales majeures ou même des achats ordinaires.

L’économiste Dr Mahmoud Abdel Qader a déclaré à Al Safa News :

« L’émission du billet de 5 millions de livres représente une reconnaissance officielle du niveau d’inflation extrême qu’a atteint la monnaie nationale. C’est une mesure pratique pour simplifier les transactions, mais elle met aussi en lumière l’absence d’un plan de réforme global. Le pouvoir d’achat de ce nouveau billet risque de s’éroder rapidement si la dépréciation se poursuit. »

Il a ajouté :

« Le danger le plus grand est la banalisation de l’inflation. Lorsque les citoyens s’habituent à manipuler un billet de 5 millions, cela signifie que l’économie est entrée dans une phase inflationniste profonde, dont il sera difficile de sortir sans réformes structurelles englobant le redressement des finances publiques, la restructuration du secteur bancaire et la restauration de la confiance dans la monnaie. »

Entre nécessité et inquiétudes

D’un côté, certains estiment que l’émission du nouveau billet est nécessaire pour alléger les contraintes logistiques pesant sur les citoyens et les entreprises, contraints de manipuler d’énormes volumes de liquidités. De l’autre, des voix s’élèvent pour alerter que cette mesure risque d’être perçue comme un signe supplémentaire de l’ampleur de la crise, plutôt que comme une étape d’un plan de réforme intégré.

L’émission du billet de 5 millions de livres ne peut être dissociée de la situation financière et monétaire plus large du Liban. Il s’agit d’une solution pratique à court terme pour faciliter les échanges en espèces, mais elle constitue en même temps un avertissement clair que la crise perdure. La véritable reprise nécessitera bien plus que l’impression de nouveaux billets : elle exigera des réformes structurelles capables de rendre sa valeur à la livre et de rétablir la stabilité économique.