Le Liban a connu en 2024 une hausse sans précédent des taux de divorce, dépassant largement la moyenne enregistrée entre 2009 et 2024. Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, 6 894 divorces ont été enregistrés l’an dernier, soulevant de vives interrogations sur les causes profondes de ce phénomène social inquiétant.

Une cartographie géographique du divorce

Les données révèlent une disparité géographique marquée. Le plus grand nombre de divorces a été recensé dans le gouvernorat du Nord avec 1 348 cas, suivi du Mont-Liban avec 1 072 cas. À l’inverse, la Békaa a enregistré les taux les plus bas, mettant en évidence des variations régionales influencées par des facteurs sociaux et économiques distincts. Il convient de préciser que ces chiffres ne tiennent compte que des cas officiellement enregistrés auprès du ministère de l’Intérieur et n’incluent pas les séparations informelles ni les procédures judiciaires encore en cours.

La crise économique au premier plan

Pour le Dr Fadi Akiki, professeur de sociologie à l’Université libanaise, l’augmentation des divorces est directement liée à l’effondrement économique qui étouffe le pays depuis des années. Il explique :

« Les pressions du quotidien — chômage, cherté de la vie, instabilité chronique — ont eu un impact direct sur les relations conjugales. Alors que les couples peinent de plus en plus à supporter les charges financières et psychologiques, le divorce est devenu une issue plus fréquente. »

Il ajoute que les transformations sociales, telles que l’évolution des rôles de genre et l’indépendance économique croissante des femmes, ont également modifié la vision traditionnelle du mariage, rendant la séparation moins redoutée qu’auparavant.

La thérapie conjugale : le besoin d’un meilleur dialogue

La thérapeute familiale et conjugale, Dr Lara Abdel Massih, spécialiste de la résolution des conflits matrimoniaux, souligne que le manque de compétences en communication constitue l’une des principales causes de séparation. « Beaucoup des couples que nous recevons en consultation manquent de dialogue ouvert et de capacité à gérer les conflits de manière saine. Le stress quotidien révèle la fragilité des schémas de communication, entraînant une accumulation de problèmes au lieu de leur résolution », affirme-t-elle.

Elle insiste sur l’importance d’une intervention précoce par des séances de conseil avant que le divorce ne devienne inévitable, estimant que de nombreux mariages pourraient être sauvés si les couples prenaient conscience de la valeur du soutien psychologique et affectif.

Une crise sociale qui exige des solutions globales

La flambée des divorces met en lumière une crise sociale profonde au Liban, qui n’est pas moins grave que ses crises économiques et politiques. Les solutions, avancent les experts, passent par le renforcement de l’éducation conjugale via des programmes de sensibilisation, le soutien aux centres de conseil familial et l’amélioration des conditions de vie, qui demeurent un pilier fondamental de la stabilité des foyers.

Le divorce au Liban n’est plus une affaire individuelle isolée ; il est devenu un phénomène grandissant qui menace le tissu social du pays et appelle une action urgente de l’État comme de la société civile.