Le Liban connaît une transformation démographique frappante : les femmes constituent aujourd’hui la majorité de la population. Selon le chercheur Mohammad Chamseddine, on recense environ 2,2 millions de femmes contre 1,8 million d’hommes, sur un total d’environ 4 millions de résidents. Autrement dit, les femmes représentent entre 55 % et 60 % de la population, contre 40 % à 45 % pour les hommes. Cet écart soulève de nombreuses interrogations sur ses causes profondes et ses répercussions sociales et économiques.
Les raisons du déséquilibre
Chamseddine explique cette prédominance féminine par plusieurs facteurs essentiels :
- L’émigration masculine : de nombreux hommes quittent le pays pour chercher du travail, tandis que la plupart des femmes restent.
- Les guerres et conflits : les décennies de violences ont réduit le nombre d’hommes, victimes directes des combats ou contraints au déplacement forcé.
- L’espérance de vie : les femmes libanaises vivent plus longtemps que les hommes, ce qui augmente leur proportion.
- La crise économique : le chômage croissant pousse davantage d’hommes vers une émigration temporaire ou permanente.
Conséquences sociales et économiques
Ce déséquilibre démographique transforme déjà la société libanaise :
- Retard de l’âge du mariage et augmentation du célibat féminin.
- Rôle accru des femmes sur le marché du travail et dans la vie publique, afin de compenser le manque de main-d’œuvre masculine.
- Impact négatif à long terme sur les taux de natalité.
- Poids économique grandissant pour les femmes, devenues de plus en plus souvent soutiens de famille.
L’avis d’un expert
Le sociologue et économiste Dr Samer Haddad avertit que, sans mesures correctives, ce déséquilibre pourrait aggraver les crises structurelles du Liban :
« L’absence de politiques incitatives pour freiner l’émigration des jeunes et le manque de stratégies pour réintégrer les compétences libanaises accentueront la fracture démographique, avec des conséquences sérieuses sur la croissance démographique et économique. »
Haddad insiste sur la nécessité de :
- Mettre en place des stratégies pour encourager le retour des expatriés grâce à des opportunités d’emploi viables.
- Renforcer les programmes d’autonomisation économique et sociale des femmes, afin de transformer cette réalité démographique en atout.
- Adopter des politiques équilibrées qui favorisent la stabilité familiale et limitent l’exode des jeunes.
Un signal d’alarme
La suprématie numérique des femmes au Liban n’est pas un simple chiffre statistique : c’est un signal démographique inquiétant. Sans politiques urgentes pour traiter les causes de l’émigration masculine et créer un environnement socio-économique stable, ce déséquilibre pourrait menacer la cohésion sociale et la stabilité démographique du pays à long terme.