Dans le cadre de ses efforts pour réduire le chaos croissant dans la capitale, la municipalité de Beyrouth a annoncé l’entrée en vigueur d’un nouveau barème d’amendes, fondé sur l’approbation du procureur général près de la Cour de cassation (décision n° 2023/929). Le Corps de Garde Municipal sera désormais chargé de constater les infractions et d’appliquer les mesures nécessaires à l’encontre des contrevenants. La municipalité souligne que cette démarche s’inscrit dans une vision plus large visant à renforcer la sécurité publique et à garantir le respect des espaces urbains partagés et des droits des habitants, dans une ville de plus en plus affectée par des infractions quotidiennes qui nuisent à sa qualité de vie.
Le nouveau barème cible des violations qui touchent directement la vie quotidienne et la tranquillité des habitants — comme la musique forte dans les quartiers résidentiels, l’absence de ramassage des déjections animales, ou encore le dépôt sauvage d’ordures. Il couvre également le stationnement entravant la circulation, les graffitis sur les murs publics et privés, l’installation d’affiches sans permis, ainsi que d’autres comportements ayant dégradé l’esthétique urbaine et contribué à la baisse du niveau de propreté dans la capitale. Le dispositif inclut aussi des infractions en hausse ces dernières années : l’utilisation des tuk-tuks, la pose d’obstacles sur la voie publique sans autorisation, le fouillage dans les poubelles, les vendeurs ambulants non autorisés, les comportements indécents, les slogans racistes, et même l’abattage d’arbres sans permis — une tentative de protéger les derniers espaces verts de la ville.
Selon le Dr Karim Saadé, expert en gestion urbaine, interrogé par Al Safa News, l’adoption de ce barème représente un tournant important dans la gouvernance municipale : elle marque un passage d’une politique réactive à des mesures proactives destinées à rétablir l’autorité de la loi dans l’espace public. Il précise que les amendes ne doivent pas être perçues comme un moyen de générer des revenus, mais comme un message clair indiquant que le désordre n’est plus toléré et que des comportements autrefois considérés comme « normaux » ne le sont plus aujourd’hui. Toutefois, il insiste sur le fait que la réussite de cette mesure dépend d’une application rigoureuse et sans favoritisme, ainsi que d’une campagne de sensibilisation expliquant son objectif et encourageant les citoyens à respecter les biens publics. Il souligne aussi la nécessité d’offrir des alternatives pratiques pour réduire les infractions, telles que des espaces dédiés à l’affichage et des poubelles réparties de manière régulière.
Beyrouth est loin d’être la première ville à adopter ce type de politique. De nombreuses métropoles dans le monde ont opté pour un durcissement des amendes comme moyen d’imposer l’ordre. À Dubaï, le renforcement des sanctions pour les déchets jetés dans l’espace public a eu un impact direct sur la propreté générale et a consolidé une culture de responsabilité collective. À Singapour, les lois strictes contre les graffitis et les comportements irrespectueux ont contribué à en faire l’une des villes les plus propres et les mieux organisées du monde. À Paris et Madrid, les amendes jouent un rôle clé dans la réduction des nuisances sonores nocturnes et la protection des marchés réglementés contre les pratiques non autorisées. Ces exemples démontrent que modifier les comportements publics nécessite parfois des mesures dissuasives, surtout lorsque le désordre devient culturellement enraciné.
C’est dans ce contexte que l’importance de la démarche de Beyrouth se manifeste — non seulement pour stopper les infractions, mais aussi pour redéfinir la relation entre les habitants et leur ville. La capitale libanaise, longtemps un pôle culturel et touristique, a subi ces dernières années un important déclin et un manque d’entretien, entraînant une montée du désordre et une baisse du confort aussi bien pour les résidents que pour les visiteurs. Si le nouveau barème est appliqué avec sérieux et constance, il pourrait marquer le début d’un redressement permettant à Beyrouth de retrouver son image de ville organisée, propre et respectueuse du droit fondamental de chacun à un espace public sûr et sain.
En définitive, le nouveau barème d’amendes n’est pas une simple décision administrative : c’est une tentative de reconstruire une culture civique fondée sur le respect de la loi et des espaces communs qui relient les habitants entre eux. Certains citoyens pourraient s’y opposer dans un premier temps, et la municipalité devra relever plusieurs défis pour en assurer l’application. Mais cette mesure reste indispensable pour mettre fin à des dysfonctionnements accumulés depuis trop longtemps. Beyrouth mérite d’être protégée et respectée… et cette nouvelle phase réglementaire pourrait bien être la première étape vers une ville à la hauteur de ses habitants et de ses visiteurs.
Prière de partager vos commentaires sur:
[email protected]
