Les dernières données publiées par l’indice mondial Numbeo pour l’année 2025 révèlent des disparités majeures entre les pays arabes, mettant en lumière un fossé considérable entre ceux classés parmi les plus coûteux au monde et ceux considérés parmi les moins chers. Ces résultats reflètent directement les profondes inégalités économiques et sociales qui caractérisent aujourd’hui le monde arabe.

Selon l’indice, les Émirats arabes unis arrivent en tête de la région en matière de coût élevé de la vie, avec un score de 54,1 points — un chiffre qui illustre la robustesse de leur économie et la forte présence de modes de vie haut de gamme. En même temps, ce score montre que les dépenses quotidiennes aux Émirats restent 46 % inférieures à celles de New York, que Numbeo utilise comme référence avec 100 points.

Le Yémen se classe au deuxième rang arabe (48,4 points), malgré la guerre continue qui ravage le pays depuis 2014 — un conflit qui a détruit le pouvoir d’achat et fait exploser les prix des biens essentiels.

À l’extrémité opposée du tableau, l’indice révèle une réalité contrastée : l’Égypte, avant-dernière parmi les pays arabes (19 points), et la Libye, dernière au niveau régional et presque au dernier rang mondial (18,6), enregistrent toutes deux certains des coûts de la vie les plus bas au monde, malgré les conditions difficiles qu’elles traversent. Ce contraste reflète non seulement la diversité des niveaux de revenus, mais aussi des différences significatives dans les structures de prix et les modes de consommation.

L’indice Numbeo mesure les prix relatifs des biens et services essentiels — tels que les courses, les restaurants, les transports et les services publics — en excluant les coûts du logement, ce qui permet d’obtenir une lecture plus précise des conditions de vie quotidiennes sans l’effet distorsif des loyers ou des prix immobiliers.

Le Liban… entre inflation inédite et réalité de vie déroutante

Un élément particulièrement notable du classement 2025 est la position du Liban, qui obtient 38,8 points. Bien que ce chiffre ne place pas le pays parmi les plus chers du monde arabe, il prend une signification tout autre lorsqu’il est replacé dans le contexte de l’effondrement économique que traverse le pays depuis 2019. Durant cette période, la livre libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur, le pouvoir d’achat de la population s’est effondré et les prix des biens et services ont flambé — en grande partie en raison d’une dollarisation généralisée et incontrôlée du marché.

L’économiste Dr Rami Younes explique à Safa News que l’indice appliqué au Liban doit être interprété différemment :

« Le coût de la vie au Liban ne reflète ni prospérité ni force économique. Il reflète une crise qui oblige le consommateur à payer des prix mondiaux avec des revenus locaux incapables de couvrir les besoins de base. »

Il ajoute :

« Aux Émirats ou au Qatar, les prix élevés s’accompagnent de revenus élevés et de services avancés. Au Liban, la contradiction est brutale : des prix dignes des pays riches… et des revenus dignes des pays pauvres. »

Younes souligne également que l’exclusion des coûts du logement dans l’indice Numbeo masque une partie essentielle du fardeau supporté par les Libanais :

« Les loyers en dollars, les factures d’électricité privées et les coûts de transport ont fait exploser le coût de la vie. Si le logement était inclus dans l’indice, le classement du Liban serait bien plus élevé. »

L’économiste insiste sur le fait que la crise libanaise ne relève pas uniquement de l’effondrement financier, mais aussi de l’absence totale de contrôle des prix et de la dérégulation complète du marché. Cette situation rend difficile pour tout indice international de saisir pleinement l’ampleur de la souffrance quotidienne, où même les biens essentiels — comme la viande ou les courses ordinaires — sont devenus des produits de luxe pour une grande partie de la population.

Le coût de la vie… un autre visage des crises du monde arabe

Les données montrent que les défis économiques de la région varient largement, influencés par :

une prospérité qui entraîne une hausse des prix (comme dans les pays du Golfe),

des guerres et conflits qui détruisent les structures économiques (Yémen, Syrie),

des crises financières et monétaires aiguës qui dévaluent la monnaie (Liban).

Ces disparités révèlent que le monde arabe ne partage plus une réalité économique homogène, comme on le pensait autrefois. Chaque pays — voire chaque ville — suit désormais une trajectoire totalement distincte en matière de coût de la vie et de niveau de bien-être.

Au-delà des chiffres : un véritable miroir de la réalité

L’indice Numbeo n’est pas qu’un classement numérique — c’est un véritable miroir des conditions de vie. Alors que certains pays bénéficient d’une marge de prospérité permettant d’absorber des prix élevés, les Libanais se retrouvent coincés entre des prix mondiaux et des revenus locaux incapables de couvrir les besoins les plus élémentaires.

La conclusion est claire :

Vivre au Liban est coûteux — mais certainement pas confortable.

C’est un fardeau qui s’alourdit jour après jour et qui exige des réformes économiques urgentes pour rétablir un équilibre entre les prix et les revenus de ceux qui luttent pour rester dans leur pays.