Le port de Beyrouth a enregistré une forte hausse des importations de voitures au cours du premier semestre de cette année. Au total, 27 009 véhicules ont été importés, contre 20 002 sur la même période l’an dernier, soit une augmentation de 7 007 voitures, équivalant à environ 35 %.

Les voitures d’occasion dominent le marché

Ce qui ressort de ces chiffres, c’est que l’immense majorité des importations concerne des voitures d’occasion, tandis que les véhicules neufs ne représentent qu’une infime partie. Cette tendance illustre le choix des consommateurs libanais de se tourner vers des options moins coûteuses, dans un contexte économique fragile et de pouvoir d’achat érodé.

L’avis de l’expert

« Cette hausse des importations ne signifie pas nécessairement un véritable regain de pouvoir d’achat », explique l’économiste Dr Rami Al-Assad. « Elle reflète plutôt une restructuration du comportement du consommateur libanais. Le recours aux voitures d’occasion découle principalement de la recherche de moyens de transport moins coûteux, face à la faiblesse persistante de la livre libanaise et à la flambée des prix des véhicules neufs en raison des droits de douane et du taux de change. »

Il ajoute : « Malgré l’augmentation des importations, le marché reste fragile, dépendant largement du financement individuel ou des transferts de fonds de l’étranger, sans refléter une amélioration fondamentale de l’économie globale. »

Les signes d’une reprise limitée

Les données indiquent que le secteur automobile retrouve une certaine dynamique après des années de stagnation, mais la reprise reste déséquilibrée.

- Voitures d’occasion : elles dominent grâce à leurs prix relativement abordables.

- Voitures neuves : elles souffrent toujours du marasme en raison de prix trop élevés et de l’absence de crédits bancaires.

Nabil Bazirji, président de l’Association des importateurs d’automobiles au Liban, a averti dans un entretien à Al Safa News que « la réalité actuelle échappe au contrôle des importateurs légaux. La loi autorise l’importation de voitures d’occasion à condition qu’elles soient en état de rouler et accompagnées de certificats attestant de leur condition mécanique. Or, la réalité est bien différente. En 2024, plus de 25 000 véhicules sont entrés au Liban sans inspection ni contrôle. Au moins 10 % étant déclarés inaptes à circuler, cela signifie que près de 2 500 voitures endommagées ont été injectées sur le marché local. »

Il souligne que la loi libanaise interdit explicitement l’importation de voitures accidentées ou démantelées, mais l’absence d’application et de contrôle a rendu ces interdictions inopérantes.

Qui est responsable ?

Bazirji a pointé la responsabilité de plusieurs organismes officiels, en particulier celle des douanes libanaises, directement chargées de surveiller les importations. Il a également insisté sur l’absence d’examen mécanique dans les ports, qu’il considère essentiel pour garantir la sécurité des véhicules avant leur entrée sur le marché.

« Le contrat d’inspection mécanique avec l’entreprise concessionnaire a expiré et n’a jamais été renouvelé. Aucun mécanisme alternatif n’a été mis en place. Résultat : aucun contrôle, aucune supervision et un chaos persistant », a-t-il déclaré. Bazirji a aussi dénoncé le manque de coordination entre le ministère des Finances et le ministère de l’Intérieur concernant le financement et les effectifs, ce qui a paralysé l’Office de gestion du trafic.

La « mécanique » paralysée, conséquences désastreuses

L’arrêt de l’Office de gestion du trafic, connu localement sous le nom de « mécanique», a aggravé la situation. Il a cessé de délivrer les permis de conduire et les livrets, et suspendu les contrôles techniques, le tout sous prétexte de lutte contre la corruption.

« Ils ont fermé la Nafaa à cause de soupçons de corruption, mais sans proposer aucune alternative », a déploré Bazirji. « Aucun nouveau personnel, aucune solution concrète. Résultat : la paralysie d’un service vital qui touche la vie quotidienne des citoyens. » Il a qualifié les tentatives partielles d’impliquer des officiers de sécurité intérieure de simples palliatifs temporaires, insuffisants pour remplacer une réforme en profondeur.

Un danger environnemental et un risque pour la sécurité publique

Selon Bazirji, la plupart des véhicules entrant au Liban ont entre six et huit ans, dépassant la moitié de leur durée de vie technique. Dans d’autres pays, les citoyens sont incités à s’en débarrasser pour protéger l’environnement et moderniser le parc automobile.

« L’absence d’entretien adéquat, combinée à des véhicules ne respectant pas des standards techniques précis, constitue une menace directe pour la sécurité publique », a-t-il averti. « Certaines voitures sont réparées, polies et revendues comme neuves, mais elles ne répondent pas aux normes de conduite sécuritaire. »

En conclusion

L’augmentation des importations de voitures reflète une relance partielle de l’activité du marché, mais elle met aussi en évidence les limites du pouvoir d’achat des Libanais. Les voitures d’occasion demeurent le choix privilégié de la majorité, bien que loin d’être l’option idéale, beaucoup d’entre elles n’étant pas conformes aux normes. Les experts estiment qu’une reprise réelle nécessitera une stabilité monétaire, des politiques de financement claires et une baisse des droits de douane pour stimuler durablement le secteur automobile.