Le Liban s’approche d’un tournant décisif alors que le Conseil de sécurité des Nations unies s’apprête à voter, le 25 août, sur l’avenir de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), déployée dans le sud du pays depuis 1978.

Le projet de résolution présenté par la France prévoit de prolonger le mandat de la FINUL jusqu’à la fin août 2026. Mais l’ajout d’une clause explicite exprimant la « détermination du Conseil de sécurité à œuvrer en faveur de son retrait progressif », faisant du gouvernement libanais « le seul garant de la sécurité dans le sud du Liban », a constitué un signal fort du changement de perception internationale face à la nouvelle réalité politique libanaise, après les transformations internes marquées par l’élection du général Joseph Aoun à la présidence et la nomination du juge Nawaf Salam comme Premier ministre.

Une proposition française pragmatique

La clause pragmatique du projet français reflète la décision audacieuse, attendue depuis longtemps, de confier l’exclusivité des armes à l’État — une politique que le gouvernement a commencé à mettre en œuvre au début de ce mois. Cette étape, qui rompt avec des décennies d’évitement politique, a ouvert la voie à une phase prometteuse susceptible de fonder réellement un nouveau Liban. Paris a saisi cet élan et l’a intégré dans le texte de la résolution, en cohérence avec l’esprit de la nouvelle étape politique libanaise.

Israël et les États-Unis : des positions divergentes

Au sein du Conseil de sécurité, les positions demeurent partagées. Washington, pourtant détenteur du droit de veto, n’a pas encore arrêté de position claire. Israël, en revanche, pousse avec insistance pour la fin de la mission de la FINUL, estimant qu’elle a échoué à empêcher « Hezbollah » de s’implanter au sud du Litani ces dernières années.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Sa’ar, a même adressé une lettre officielle à son homologue américain Marco Rubio, l’exhortant à œuvrer pour mettre un terme à la mission. Mais le président Joseph Aoun a réaffirmé l’attachement du Liban à la présence de la FINUL jusqu’à la mise en œuvre complète de la résolution 1701, suggérant que le nouveau leadership libanais privilégie une approche pragmatique visant à préserver la stabilité dans le sud en attendant la consolidation de l’autorité de l’État.

Jalons historiques et sacrifices

La FINUL a été créée par les résolutions 425 et 426 du Conseil de sécurité, adoptées le 19 mars 1978, pour confirmer le retrait israélien du Liban et contribuer au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Après la guerre de juillet 2006, son mandat a été renforcé par la résolution 1701, qui lui a confié des tâches supplémentaires en étroite coordination avec l’armée libanaise.

Mais la récente « guerre de soutien » lancée par « Hezbollah » le 8 octobre 2023 en solidarité avec Gaza a exposé la FINUL et ses positions à une pluie de critiques et d’attaques, aussi bien de la part d’Israël que des éléments du « parti », contraignant la force onusienne à de lourds sacrifices.

Les décisions audacieuses du Liban et la « feuille Barrack »

Les décisions du Conseil des ministres des 5 et 7 août — imposant l’exclusivité des armes à l’État et chargeant l’armée d’élaborer un plan global pour y parvenir d’ici fin 2025 — ont constitué un tournant dans la vie politique libanaise.

Elles ont renforcé la confiance des émissaires américains Tom Barrack et Morgan Ortagus, arrivés à Beyrouth en début de semaine. Leur désormais célèbre « feuille Barrack » a défini un calendrier clair pour le désarmement des groupes illégaux en contrepartie d’un retrait israélien progressif du sud, plaçant l’armée libanaise au cœur de l’équation sécuritaire.

Nawaf Salam : entre pressions internes et attentes externes

Le Premier ministre Nawaf Salam tente d’équilibrer des dynamiques internes fragiles, « Hezbollah » refusant catégoriquement de céder ses armes. Son secrétaire général adjoint, le cheikh Naim Qassem, a averti ouvertement du risque de guerre civile, tandis que des membres du parti organisaient des cortèges de protestation à moto dans la banlieue sud de Beyrouth.

Pourtant, Salam a insisté sur le fait qu’aucun processus de négociation ne saurait aboutir sans une pression américaine et internationale sur Israël pour qu’il cesse ses violations, se retire des cinq points contestés et libère les prisonniers libanais.

Scénarios possibles après le vote

À l’approche du vote du 25 août, trois scénarios principaux se dessinent pour le Liban. Le premier — et le plus probable — est une prolongation conditionnelle du mandat de la FINUL, accompagnée d’un début de retrait progressif. Le deuxième reposerait sur un éventuel veto américain ou une modification du texte français. Le troisième, celui d’un retrait immédiat ou désordonné, paraît aujourd’hui improbable, car il créerait un vide sécuritaire dangereux et risquerait de déboucher sur une confrontation militaire.

Une opportunité historique ou une impasse de plus ?

Entre le pragmatisme français, la pression israélienne et les divergences internes, le Liban se trouve à un carrefour historique. Le vote du Conseil de sécurité ne sera pas une simple formalité technique : il représentera un moment décisif qui déterminera les contours de la prochaine étape — soit l’engagement dans la construction d’un État fort et inclusif, soit un retour à la spirale d’immobilisme qui a épuisé le pays pendant plus de quarante ans.

Le côté positif réside peut-être dans le fait que l’émissaire américaine Morgan Ortagus n’a pas caché que les réserves de Washington sur le renouvellement de la FINUL restaient ouvertes à la discussion. En attendant, la FINUL poursuit ses opérations. La mission a récemment annoncé une opération sur le terrain dans le sud du Liban où, en coordination avec l’armée libanaise, ses soldats « ont découvert un tunnel d’environ 50 mètres de long et un stock de munitions non explosées près de Qusayr ». Conformément à la résolution 1701, ces découvertes ont été remises à l’armée libanaise. La FINUL a souligné qu’elle « continue d’assurer ses patrouilles, sa surveillance et son travail conjoint avec l’armée libanaise pour contribuer à rétablir la stabilité et la sécurité dans sa zone d’opérations ».