À l’été 1974, dans les profondeurs obscures et inaccessibles de l’océan Pacifique, les États-Unis ont mené l’une des opérations d’espionnage les plus audacieuses et insolites de la guerre froide. Une mission à très haut risque, mêlant technologies de pointe, secret absolu et le génie excentrique d’un milliardaire reclus.
Cette mission, baptisée Projet Azorian, était une opération ultra-secrète de la CIA menée en collaboration avec l’industriel américain Howard Hughes, personnage énigmatique et très médiatisé à l’époque. L’objectif : récupérer un sous-marin nucléaire soviétique échoué au fond de l’océan, sans que personne — et surtout pas les Soviétiques — ne s’en rende compte.
L’histoire commence en mars 1968, lorsque le K-129, un sous-marin nucléaire soviétique de classe Golf, sombre mystérieusement à environ 2 500 kilomètres au nord-ouest d’Hawaï. Les raisons du naufrage restent inconnues, mais le bâtiment effectuait probablement une mission de renseignement. Malgré une dizaine de tentatives, l’Union soviétique échoue à localiser l’épave.
De leur côté, les Américains parviennent à détecter le site exact du naufrage grâce à leur technologie d’écoute sous-marine. S’en suit un projet d’envergure pour la remonter — sous couvert d’une mission d’extraction minière en haute mer.
Afin de tromper non seulement les services soviétiques mais aussi toutes les agences de renseignement du monde, la CIA s’associe à Howard Hughes pour construire un navire géant, le Glomar Explorer. Officiellement, ce dernier était censé explorer les grands fonds à la recherche de métaux rares. En réalité, il était équipé d’un bras mécanique gigantesque et d’un système de levage ultra complexe, capable d’atteindre une profondeur de 5 000 mètres.
L’opération débute durant l’été 1974. Après plusieurs semaines de préparation, le processus de levage commence. Mais en cours de route, le sous-marin se brise, et sa partie arrière replonge dans l’océan. Les Américains réussissent tout de même à extraire la section avant, qui contenait — selon toute vraisemblance — les corps de membres d’équipage, ainsi que des systèmes de communication et d’armement obsolètes.
Même si la moisson fut limitée, l’opération est considérée comme un exploit technologique et un succès du renseignement. L’affaire reste confidentielle pendant plusieurs années.
Mais la presse américaine finit par révéler l’affaire. Lorsqu’elle interroge la CIA, celle-ci répond par une formule devenue légendaire :
« Nous ne pouvons ni confirmer ni infirmer l’existence d’un tel projet. »
Cette phrase, rapidement surnommée la « réponse Glomar », est encore aujourd’hui utilisée par les services de renseignement face aux questions sensibles.
Le projet Azorian n’était pas qu’une prouesse technique. Il illustre l’esprit de la guerre froide : une guerre menée dans les airs, dans les esprits — et jusque dans les profondeurs abyssales des océans.