C’est une ressource que l’on foule chaque jour, que l’on pense inépuisable, et qui pourtant est en train de disparaître. Le sable, cet élément si familier, est devenu l’une des matières premières les plus exploitées au monde. Au point d’inquiéter les experts de l’ONU.

Dans l’ombre du pétrole ou de l’eau, une autre crise silencieuse est en train de naître. Le sable est aujourd’hui la deuxième ressource naturelle la plus consommée au monde, juste derrière l’eau. Chaque année, environ 50 milliards de tonnes sont extraites, en majorité pour répondre à une demande mondiale massive en construction.

« Sans sable, pas de béton. Et sans béton, pas de routes, pas d’immeubles, pas de villes modernes », résume Pascal Peduzzi, directeur du programme environnemental de l’ONU.

Une ressource plus précieuse qu’il n’y paraît

Matériau clé dans la fabrication du béton, du verre, de l’asphalte, ou encore des composants électroniques, le sable est présent dans presque tous les aspects de notre quotidien. Des immeubles aux téléphones portables, des hôpitaux aux autoroutes, il est littéralement le socle de notre monde moderne.

Mais un paradoxe étonnant subsiste : le sable du désert est inutilisable pour la construction. Ses grains, trop lisses, ne permettent pas une bonne adhérence. C’est pourquoi les pays du Golfe importent du sable, parfois depuis l’Australie ou le Canada, malgré leurs vastes étendues désertiques.

Le sable, victime d’un trafic mondial

Face à la demande colossale, le sable fait aujourd’hui l’objet d’un trafic illégal dans plusieurs régions du monde. En Inde, au Maroc, en Indonésie ou encore en Afrique de l’Ouest, des « mafias du sable » opèrent en dehors de tout cadre légal, détruisant des écosystèmes entiers, parfois au mépris des populations locales.

« Des plages disparaissent, des villages côtiers sont engloutis. Dans certains cas, des militants écologistes ont été assassinés pour avoir dénoncé ce trafic », alerte une ONG locale.

Ces extractions sauvages provoquent érosion des littoraux, montée des eaux, pertes agricoles, et menacent même la stabilité des bâtiments côtiers.

Un enjeu environnemental mondial

Le sable est en apparence partout, mais ses réserves exploitables sont limitées. Les plages, rivières et fonds marins sont surexploités à un rythme bien supérieur à leur capacité de renouvellement. En clair : nous consommons plus vite que la nature ne produit.

L’ONU a tiré la sonnette d’alarme dès 2019, appelant les États à mieux encadrer l’exploitation du sable et à considérer cette ressource comme un bien stratégique.

Quelles solutions possibles ?

Des alternatives émergent : recyclage du béton, utilisation de matériaux biosourcés (terre crue, chanvre, fibres naturelles), innovations technologiques. Mais elles peinent encore à rivaliser en efficacité et en coût avec le sable classique.

À cela s’ajoute le manque de régulation mondiale. À ce jour, aucune convention internationale ne gère l’extraction du sable comme cela existe pour d’autres ressources stratégiques.

Une crise silencieuse qui mérite plus d’attention

Alors que le monde se focalise sur les énergies fossiles ou la biodiversité, la question du sable reste largement absente des débats publics. Pourtant, sans action concrète, c’est la stabilité de nos écosystèmes, de nos villes et de notre économie qui est menacée.

Et si le sable devenait bientôt plus précieux que l’or ? Une question qui semblait absurde hier, mais qui pourrait devenir très réelle demain.