Alors que le Liban continue de s’enfoncer dans une crise économique et sociale sans précédent, un nouveau rapport met en lumière une autre facette, tout aussi inquiétante, de cet effondrement : la crise environnementale. Selon le rapport mondial 2025 de Numbeo, le Liban occupe désormais la troisième place au niveau mondial — et la première dans le monde arabe — en matière de pollution, avec un score alarmant de 89,63 % sur l’indice global de qualité environnementale.

Ce qui rend ce rapport particulièrement choquant, ce ne sont pas uniquement les chiffres, mais surtout les détails qui révèlent l’ampleur du déclin environnemental du pays. La pollution de l’eau atteint 80,58 %, principalement à cause du déversement incontrôlé des eaux usées non traitées dans les rivières et la mer. La pollution de l’air suit de près avec 77,84 %, alimentée par la prolifération des générateurs privés fonctionnant au diesel, l’encombrement chronique du trafic, et l’absence totale de réglementation sur les émissions.

La gestion des déchets — symptôme visible et persistant de cette crise — s’est effondrée à hauteur de 85,50 %. Les ordures continuent de s’accumuler dans les rues ou sont transportées vers des décharges sauvages, sans normes sanitaires. À cela s’ajoute une pénurie de 82,49 % en espaces verts, privant Beyrouth et les grandes villes de « poumons urbains » capables de filtrer l’air et de tempérer la toxicité ambiante.

Et la crise ne s’arrête pas là. La pollution sonore et visuelle atteint 65,70 %, reflet direct du chaos urbain et du manque flagrant de planification civile et environnementale.

L’expert en environnement, le Dr Georges Maalouf, considère ces chiffres comme « la preuve d’un état d’urgence environnementale non déclaré », soulignant que la pollution est devenue un facteur direct de maladies chroniques et une menace croissante pour la santé publique. Selon lui, « cette crise est le fruit de décennies de négligence et d’absence de volonté politique. L’environnement n’a jamais été une priorité nationale, mais un sujet marginal, relégué au second plan, sans stratégie ni vision à long terme ».

La gravité de la situation est exacerbée par l’effondrement simultané du système de santé et des infrastructures, limitant fortement la capacité du Liban à faire face aux conséquences de cette dégradation. Les cas d’asthme, de maladies cutanées et de troubles respiratoires — notamment chez les enfants et les personnes âgées — se multiplient à un rythme inquiétant.

À l’inverse, certains pays arabes démontrent que la volonté politique peut inverser la tendance. Le sultanat d’Oman, par exemple, arrive en tête du monde arabe en matière de propreté environnementale grâce à des politiques de long terme axées sur l’énergie propre, la protection des forêts et la réforme des systèmes de gestion des déchets. Des pays comme l’Égypte, le Maroc ou la Jordanie, bien qu’également mal classés, ont déjà commencé à prendre des mesures concrètes pour améliorer leurs indicateurs de pollution.

Dès lors, une question cruciale se pose : le Liban peut-il encore se permettre d’ignorer ces signaux d’alarme ? Ou bien est-il temps d’adopter enfin une stratégie environnementale cohérente, incluant :

- Un plan national de gestion des déchets

- Une réglementation stricte du secteur des générateurs privés

- Un investissement massif dans les transports publics pour réduire la dépendance à la voiture

- L’expansion des espaces verts urbains

- Des campagnes de sensibilisation environnementale à l’échelle nationale

Le Liban ne fait plus seulement face à une crise économique ou politique. Il affronte désormais une crise existentielle environnementale qui menace la santé et l’avenir de chaque citoyen. Et comme pour l’économie, une fois l’environnement effondré… il sera presque impossible à reconstruire.