Alors que l’agression israélienne s’intensifie et que les délais diplomatiques se resserrent, le comité tripartite libanais s’active pour finaliser sa réponse à la dernière proposition américaine. L’émissaire américain Tom Barrack est attendu à Beyrouth la semaine prochaine pour en prendre connaissance et entamer des discussions cruciales avec les responsables libanais.

Le document américain, bien que rédigé en langage diplomatique, relaie en réalité les exigences israéliennes à travers une grille de lecture américaine. Il demande au Liban de mettre en œuvre une série de mesures, alors même qu’Israël continue d’occuper des territoires libanais, d’attaquer des civils et de redessiner unilatéralement ses « frontières sécuritaires » au sud.

Parmi les principales exigences figure un calendrier clair pour le désarmement du « Hezbollah ». Le texte prévoit un processus progressif et encadré — débutant par les armes lourdes et les drones, puis les armes légères — dans le sud du Liban, la plaine de la Békaa et Beyrouth. L’armée libanaise est censée diriger cette opération avec un plan de déploiement et de mise en œuvre précis. La question des armes palestiniennes, notamment dans les camps du sud, est également abordée.

Le Liban se trouve dans une impasse critique. La « liste des conditions » semble irréalisable, d’autant que Washington refuse de fournir la moindre garantie quant à un retrait israélien ou à la fin des hostilités. De son côté, « Hezbollah »n’a aucune raison de déposer les armes alors qu’Israël continue de violer le cessez-le-feu et d’occuper le territoire.

La situation syrienne ajoute à cette complexité. Les récents événements à Soueïda, ainsi que les attaques visant les alaouites et les chrétiens dans certaines régions, ont ravivé les craintes au Liban concernant un projet israélien plus vaste pour la région. Et pourtant, malgré les concessions politiques du président syrien Bachar al-Assad à l’Occident et le soutien qu’il a reçu de la Turquie et d’acteurs internationaux, Israël a poursuivi ses frappes ciblées — visant notamment le ministère de la Défense et le palais présidentiel — tout en étendant son emprise territoriale en Syrie.

Dans les deux versions du document américain — celle déjà reçue et la nouvelle actuellement à l’étude — le Liban a réaffirmé son attachement aux résolutions internationales : de l’accord d’armistice à la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, en passant par la proposition de cessez-le-feu. Le gouvernement libanais insiste pour que la question des armes de « Hezbollah »soit abordée dans le cadre d’un dialogue national, tout en évitant toute rhétorique provocatrice susceptible d’être exploitée par Israël comme prétexte à l’escalade. La réponse libanaise attendue devrait conserver ce ton mesuré.

La position officielle reste inchangée : aucun désarmement ne peut être envisagé sans un retrait israélien et l’arrêt des agressions. Le Liban rejette également l’approche du « pas à pas », à moins qu’Israël ne prenne l’initiative.

Fait surprenant : cette deuxième proposition américaine semble ignorer la réponse antérieure du Liban, et présente une nouvelle série de conditions, bien que Barrack ait déjà exprimé sa satisfaction face à la première.

Cette contradiction soulève des doutes sur la cohérence du rôle de Barrack. D’un côté, il valide la position libanaise ; de l’autre, il revient avec de nouvelles exigences. Il faut rappeler qu’il avait lui-même reconnu qu’un désarmement forcé de « Hezbollah » pourrait entraîner une guerre civile. Pourtant, il revient aujourd’hui en exigeant un calendrier pour ce désarmement, en mettant la pression sur l’armée libanaise, et en lui reprochant implicitement son inaction — au risque de provoquer une confrontation directe entre celle-ci et « Hezbollah ».

Pour Beyrouth, les États-Unis doivent fournir des garanties concrètes sur le retrait israélien et l’arrêt des frappes. Ce n’est qu’à cette condition que le Liban pourrait entamer un dialogue sur le contrôle des armes. En clair, le pays demande à Washington de soutenir sa souveraineté et de retirer à Israël l’argument du « désarmement » qui lui sert à justifier ses actions, afin de permettre à l’État libanais de négocier en position de force.

Mais le Liban se retrouve à la croisée des chemins, sans savoir comment avancer dans ce contexte tendu. L’agression israélienne pourrait redevenir un levier de négociation sous la menace, comme l’a laissé entendre Barrack lorsqu’il a déclaré : « Ne pariez pas sur la patience de Trump », évoquant la possibilité que les États-Unis laissent le Liban à son sort.

En définitive, l’exemple syrien plane sur les décisions libanaises. Pourquoi la communauté chiite libanaise désarmerait-elle alors que les événements de Soueïda poussent les Druzes à reconsidérer la voie de l’armement ? « Hezbollah » redoute qu’un processus de désarmement ne crée un vide sécuritaire propice à une avancée israélienne — non seulement au sud et à la frontière syrienne, mais jusqu’à la Békaa.

Le temps est peut-être la seule carte dont dispose le Liban. Soit la pression américaine pousse Israël à faire des concessions, soit Tel-Aviv libère sa pleine puissance militaire, reproduisant le scénario syrien pour imposer un nouveau statu quo par la force.