Le président palestinien Mahmoud Abbas s’est rendu au Liban pour la deuxième fois — la première datant d’il y a huit ans. À l’époque, ses discussions avec le président Michel Aoun portaient sur la situation des réfugiés palestiniens dans les camps, les relations bilatérales entre la Palestine et le Liban, ainsi que sur la question des armes palestiniennes à l’intérieur et à l’extérieur des camps.
Cette fois-ci, Abbas a rencontré le président Joseph Aoun pour aborder exactement les mêmes sujets.
Il y a huit ans, la visite avait débouché sur un engagement mutuel : les armes devaient être exclusivement sous le contrôle de l’État libanais, toute présence armée en dehors de l’autorité de l’État devait cesser, et un comité mixte libano-palestinien devait être créé pour établir un mécanisme de remise des armes palestiniennes aux autorités libanaises. L’accord soulignait la souveraineté du Liban et la nécessité de coordonner avec l’État libanais la régulation des armes dans les camps — tout en reconnaissant que certaines factions échappaient à l’autorité d’Abbas.
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est que les résultats de cette nouvelle visite sont quasiment identiques à ceux de 2017. Abbas a de nouveau affirmé que le Liban avait pleinement le droit d’imposer sa souveraineté sur les camps et de récupérer les armes — précisant que le moment d’agir relevait du choix libanais. En somme, le ton est resté diplomatique, voire protocolaire. Le véritable enjeu réside dans ce que la communauté internationale attend du Liban : la mise en œuvre de la résolution 1559 des Nations Unies, qui appelle au désarmement de toutes les milices, y compris le Hezbollah et les factions palestiniennes.
Le Liban subit aujourd’hui une pression croissante pour désarmer les groupes palestiniens — sous peine de devoir les expulser dans un délai convenable. Le gouvernement libanais semble prêt à franchir ce pas, ce qui risque de déclencher une crise centrée sur les armes dans les camps — un affrontement qui pourrait déjà être en cours.
Mais désarmer des factions qui ne reconnaissent pas l’Autorité palestinienne (AP) est loin d’être simple. Ces groupes agissent en dehors du contrôle d’Abbas. Abbas aurait-il donc mal calculé en évoquant publiquement le sujet des armes dans les camps — pensant que le moment était propice pour réaffirmer l’autorité de l’AP, alors que le Hamas vacille à Gaza ?
En réalité, le Hamas ne rejette pas totalement l’implication de l’AP dans les camps, mais exige que le dialogue ne soit pas monopolisé par elle. En tant qu’acteur central, le Hamas insiste pour être inclus dans les discussions sur le sort des armes dans les camps.
En effet, après le siège et la destruction que subit Gaza, le Hamas semble désormais considérer sa présence et son arsenal dans les camps libanais comme une carte stratégique de rechange. Lorsque Yasser Arafat était en exil, les camps et leurs armes constituaient sa seule source de pouvoir. Le Hamas semble adopter une approche similaire aujourd’hui.
Certains responsables politiques libanais ont minimisé les engagements d’Abbas, rappelant qu’il n’a aucune emprise sur les factions armées des camps, en particulier le Hamas, aligné sur l’« axe de la résistance », et qui ne peut décider seul de déposer les armes.
La visite d’Abbas a également été mal accueillie par certaines factions liées à cet axe. Celles-ci ont critiqué son timing, coïncidant avec le sommet de la Ligue arabe et la visite de Donald Trump en Arabie saoudite, ainsi qu’avec les circonstances délicates que traverse le Liban. Elles se sont étonnées de voir Abbas promettre le désarmement alors que Gaza est, selon elles, en proie à une campagne d’extermination.
Abbas semble vouloir profiter d’un moment opportun pour retrouver un rôle, tant à Gaza que dans les camps, en amont de futures négociations sur le sort du territoire. La visite, selon certaines sources, aurait été encouragée par l’Égypte, désireuse de redonner à Abbas un rôle face à l’affaiblissement du Hamas.
Cependant, les promesses d’Abbas — et le feu vert qu’il a donné au Liban pour faire valoir son autorité dans les camps — ne devraient pas se traduire en actes concrets. En réalité, l’État libanais tente surtout de présenter le « dossier des armes palestiniennes » à la communauté internationale, afin de détourner l’attention du dossier du Hezbollah. Le message au Hezbollah est clair : l’État est désormais sérieux sur la question du désarmement, et attend une réciprocité.
Malgré le succès diplomatique et protocolaire de la visite d’Abbas, son impact risque de s’évanouir dès son départ, tant il a formulé des engagements qu’il ne peut tenir, dans des zones fragmentées entre plusieurs factions palestiniennes. La plupart de ces groupes n’ont tiré aucun bénéfice de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » ni des souffrances continues de Gaza.
Enfin, les déclarations répétées d’Abbas, affirmant que tous les Palestiniens doivent respecter la souveraineté et les lois du Liban, et qu’aucune action militaire ne peut être menée depuis son territoire, sauf par l’armée libanaise, ont directement mis en échec les justifications longtemps brandies par les groupes dits de la « résistance », libanais ou palestiniens, pour conserver des armes illégales. Des armes souvent utilisées à des fins politiques internes, libanaises, palestiniennes ou arabes, désormais dévoilées au grand jour.
Aurait-on par hasard noté que mai 2025 n’a plus rien à voir avec Mai 2017 ?