Dans un pays déjà accablé par des crises multiples – environnementales, économiques et sociales – un nouveau crime écologique fait aujourd’hui surface, bouleversant l’opinion publique libanaise. L’association « Terre Liban », à travers sa plateforme « Police de la Terre », a révélé une véritable catastrophe environnementale dans la localité de Blat, caza de Jbeil. Des terrains appartenant à des waqfs religieux y ont été ravagés : des arbres centenaires ont été arrachés sans discernement, les sols profondément creusés et défigurés, et la terre arable vendue à des usines de ciment, entraînant la destruction totale du couvert végétal.
Cette catastrophe n’est pas un simple incident. Elle constitue une violation flagrante des lois environnementales en vigueur, une atteinte à l’identité naturelle et culturelle de la région, ainsi qu’une agression contre des propriétés publiques et privées pourtant protégées par la loi. Elle soulève des questions graves sur le rôle de l’État et des autorités locales en matière de contrôle et de responsabilité – et, plus largement, sur l’avenir de ce qu’il reste de l’environnement naturel libanais.
1. Que s’est-il passé à Blat – Jbeil ?
Selon les informations disponibles, l’agression a visé des terrains appartenant à des waqfs, c’est-à-dire des terres appartenant à des entités religieuses censées jouir d’une double protection morale et légale. Pourtant, cela n’a pas empêché les responsables de mener à bien leur plan destructeur :
Arrachage d’arbres centenaires ayant mis des décennies, voire des siècles à pousser, et faisant partie intégrante de l’écosystème local.
Excavation massive du sol et vente de la terre à des cimenteries, pour un profit immédiat au détriment de l’environnement et de la population.
Destruction totale du couvert végétal, entraînant une désertification progressive, une hausse des risques d’éboulement, et la perte de la fertilité des sols.
2. Les dimensions du crime
Conséquences environnementales :
- La disparition du couvert végétal déséquilibre l’écosystème et menace la biodiversité, pilier essentiel de tout environnement sain.
- La vente du sol appauvrit la terre, provoque son érosion et empêche toute culture future.
- Les excavations anarchiques causent une déformation géologique qui peut déstabiliser la région et aggraver les risques naturels.
Violations légales :
Ces actes violent la loi sur la protection de l’environnement n°444/2002, qui interdit l’exploitation sauvage des ressources naturelles.
Ils pourraient aussi enfreindre les lois encadrant les waqfs, notamment si les terres ont été exploitées sans autorisation légale ou à des fins personnelles.
Impacts économiques et sociaux :
Transformer des terres vertes en matière première pour l’industrie cimentière sert des intérêts monopolistiques, au détriment de l’intérêt public.
La défiguration du paysage diminue la valeur touristique et culturelle du terrain et décourage les investissements durables.
3. Qui est responsable ?
La question cruciale demeure : qui se cache derrière ce crime ?
Au Liban, ce genre d’agressions environnementales se produit souvent avec la bénédiction tacite – voire la complicité directe – de certains acteurs influents, de municipalités ou de fonctionnaires facilitant l’obtention de permis ou fermant les yeux sur des activités illégales.
L’impunité généralisée et l’absence de sanctions favorisent la récidive. La plupart des crimes écologiques au Liban restent sans poursuite ni arrestation, surtout lorsque des intérêts financiers croisent des réseaux de pouvoir politiques ou religieux.
4. Le rôle du procureur environnemental
L’association « Terre Liban » a appelé le procureur environnemental du Mont-Liban à ouvrir une enquête immédiate. Cette demande doit être traitée en urgence pour plusieurs raisons :
- Garantir la reddition des comptes et protéger ce qui reste du patrimoine naturel libanais.
- Éviter que ce crime ne se reproduise ailleurs.
- Traduire en justice tous les impliqués, qu’ils soient exécutants ou bénéficiaires, et appliquer la loi avec rigueur.
5. L’environnement libanais n’est pas négociable
Alors que les secteurs vitaux du pays s’effondrent, l’environnement reste la victime silencieuse de toutes les formes d’agression : carrières sauvages, incendies criminels, construction illégale sur des terrains publics ou privés.
Mais l’environnement du Liban n’appartient ni aux puissants ni aux profiteurs. Il est un héritage collectif et un droit des générations futures. La responsabilité incombe donc à :
- L’État, avec ses ministères et organes de contrôle.
- La justice, par l’application stricte des lois environnementales.
- La société civile, en continuant à dénoncer ces crimes et à exiger des comptes.
Les médias, qui doivent traiter les questions écologiques comme des enjeux d’intérêt public, et non comme de simples faits divers.
Ce qui s’est passé à Blat – Jbeil n’est pas un incident isolé. C’est un crime avéré contre la terre, les habitants et l’identité nationale. Même si les dégâts sont irréversibles, la bataille n’est pas terminée. La justice est un devoir, et la mobilisation citoyenne et juridique est une nécessité. Car une fois perdue, l’environnement ne s’achète plus.