Le Liban n’a peut-être pas de mines, mais il ne manque ni de passion ni de savoir-faire. Il s’est imposé dans le commerce du diamant grâce à la tradition de son métier et à la résilience de ses artisans. Il n’est pas nécessaire que la richesse soit enfouie sous terre pour qu’un pays se fasse un nom sur le marché des pierres précieuses. En pleine tourmente, ce petit pays continue d’exporter une touche appréciée dans le monde entier — façonnée avec minutie et portée par une histoire de résistance, des vieux ateliers aux vitrines de luxe.
Des chiffres marquants à l’import et à l’export
En 2023, le Liban a importé pour environ 251 millions de dollars de diamants, se plaçant au 24e rang mondial des plus grands importateurs de cette pierre précieuse. Les Émirats arabes unis arrivent en tête des pays exportateurs vers le Liban (155 millions USD), suivis de l’Inde (51,7 millions) et de la Belgique (40,1 millions).
Quant aux exportations, elles ont atteint environ 304 millions de dollars la même année, confirmant la place du Liban comme acteur clé de ce secteur à l’échelle mondiale, malgré les difficultés internes.
Un savoir-faire enraciné malgré les défis
La joaillerie libanaise a toujours été le reflet d’un artisanat d’exception, façonné par des mains expertes dans de petits ateliers souvent familiaux. Depuis des décennies, le Liban joue le rôle d’intermédiaire entre l’Europe et le monde arabe, Beyrouth étant une plaque tournante pour le commerce de l’or et du diamant.
Mais le secteur souffre de problèmes structurels, notamment le manque de régulation, ouvrant la voie à des pratiques douteuses comme la vente de zircon présenté comme du diamant. Les experts appellent à une modernisation de la législation et à un renforcement du contrôle pour protéger la réputation du marché libanais et garantir la transparence.
Diamant naturel et diamant de synthèse
Dans un entretien accordé à « Al Safa News », le diamantaire libanais Saro Davoyan a souligné les défis et les tendances à venir du secteur, notamment avec l’essor du diamant de synthèse.
« Malgré son succès croissant, le diamant de synthèse ne peut remplacer le naturel », affirme Davoyan. « Sa valeur a considérablement chuté ces dernières années, au point de rivaliser avec le zircon. En plus, il ne peut être considéré comme un choix écologique durable en raison de sa forte consommation énergétique. »
Parmi les défis majeurs, il cite la difficulté d’exporter vers les pays du Golfe à cause des tensions politiques, poussant de nombreux artisans à chercher de nouveaux marchés pour préserver leur présence internationale.
Le diamant au cœur des contradictions libanaises
Comment un secteur tel que le diamant peut-il prospérer dans un pays où plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté ? Le journaliste et expert économique Khaled Abou Chakra répond :
« Environ 20 % des Libanais possèdent des fortunes importantes, certaines ayant crû grâce à la crise via des transferts à l’étranger ou des profits générés par les subventions et la plateforme Sayrafa. Cette catégorie continue d’acheter des produits de luxe, des bijoux et de l’or, maintenant ainsi une forte demande locale. »
Et d’ajouter : « En 2024, le Liban a été inscrit sur la liste grise du Groupe d'action financière (GAFI) en raison de soupçons de blanchiment d’argent, le secteur de la joaillerie étant l’un des plus visés. Cela explique l’augmentation des chiffres à l’import et à l’export, malgré une économie globalement atone. »
Au-delà des chiffres
Depuis 2020, les données d’import/export ont connu des évolutions notables. Cette année-là, les exportations d’or du Liban vers la Suisse ont frôlé le milliard de dollars, soit près du tiers de ses exportations totales. De plus, les importations de pierres précieuses et d’or ont dépassé le milliard dans les années suivantes, soulevant des questions sur l’origine et l’usage de ces fonds.
Un commerce lucratif… mais !
Abou Chaqra conclut : « Malgré son ampleur, le commerce du diamant ne crée pas de réelle valeur économique s’il est lié à des opérations de blanchiment ou de contrebande — contrairement, par exemple, à l’importation de blé. Il pourrait nuire à l’économie nationale et empêcher sa sortie des listes noires. La véritable valeur réside dans l’organisation du secteur pour en faire un moteur de croissance et un créateur d’emplois durables. »
Beyrouth… entre ombre et lumière
Au milieu des crises, le diamant brille comme une lueur d’espoir. Grâce à l’expertise et au goût raffiné des Libanais, Beyrouth peut encore retrouver son titre de capitale du raffinement et des pierres précieuses — à condition qu’une vision claire et une volonté réelle permettent d’assurer un climat équitable, transparent et propice à l’investissement.