La décision du président Donald Trump d’augmenter les droits de douane n’a pas surpris les analystes — mais l’ampleur de la mesure, elle, a bel et bien créé la surprise. Alors que les premières prévisions tablaient sur des hausses visant une vingtaine de partenaires commerciaux majeurs des États-Unis, la décision finale a concerné 180 pays. Toutefois, Washington a laissé la porte ouverte à des négociations bilatérales en vue d’alléger ou de lever ces tarifs dans certains cas.

Les motivations de Trump : économiques et politiques

Les raisons invoquées par Trump relèvent de deux logiques :

Économique : protéger les industries américaines, réduire le déficit commercial, et faire pression sur certains pays pour qu’ils modifient ce que Washington considère comme des pratiques commerciales déloyales.

Politique : obtenir des concessions stratégiques de la part de plusieurs États.

Trump justifie ces hausses tarifaires au nom de la réciprocité : dans plusieurs pays, les droits de douane sur les produits américains sont bien plus élevés que ceux appliqués par les États-Unis, parfois moins de la moitié.

America First, consommateurs en dernier ?

Les États-Unis sont une économie de consommation massive, avec plus de 350 millions d’habitants disposant d’un fort pouvoir d’achat. Les nouvelles taxes de Trump affectent un nombre impressionnant d’entreprises étrangères, mais aussi américaines, puisque nombre d’entre elles dépendent de matières premières importées. Toute hausse des prix à l’importation se répercutera inévitablement sur les prix domestiques, alimentant l’inflation aux États-Unis et à l’échelle mondiale.

Principales mesures

Depuis 2018, les États-Unis ont imposé des droits de douane sur l’acier et l’aluminium en provenance de pays alliés, provoquant des mesures de rétorsion. Mais la cible principale est restée la Chine, avec des droits de douane massifs sur une large gamme de produits, déclenchant une guerre commerciale entre les deux plus grandes puissances économiques.

La dernière vague va bien plus loin, touchant des secteurs clés du commerce international. Nombre de ces mesures contournent les règles de l’OMC, en invoquant des motifs de sécurité nationale. Par exemple, les droits sur certains produits chinois — notamment les véhicules électriques — ont atteint 100 %, justifiés par des accusations de vol de propriété intellectuelle et de pratiques commerciales déloyales.

Si la Chine reste la plus impactée en raison du volume de ses échanges avec les États-Unis, la portée géographique de ces hausses tarifaires est mondiale, affectant d’innombrables entreprises à travers le globe.

L’effet domino des droits de douane

À leur base, les droits de douane sont des taxes sur les importations, considérées comme des impôts souverains. Lorsqu’un pays les augmente, cela renchérit les produits importés, ce qui se traduit par une hausse des prix pour les consommateurs et les entreprises locales — un effet direct de premier niveau.

Mais les conséquences les plus graves sont les effets de second et de troisième niveaux (sur d’autres pays et à l’échelle mondiale). L’équipe Trump préparerait des contre-mesures pour limiter les retombées internes.

Cadres théoriques : entre gains et perturbations

Voici les principales théories économiques concernées :

Avantage comparatif (David Ricardo) : Les pays tirent parti de leur spécialisation et du commerce. Les droits de douane faussent cette spécialisation et réduisent les bénéfices globaux.

Modèle Heckscher-Ohlin : Les pays exportent les biens pour lesquels ils ont des ressources abondantes. Les tarifs douaniers perturbent cette efficacité.

Nouvelle théorie du commerce (Paul Krugman) : Le commerce bénéficie des économies d’échelle, de la différenciation des produits et d’une concurrence imparfaite. Les tarifs restreignent l’accès au marché et nuisent à l’innovation.

Industrie naissante : Une protection temporaire peut favoriser le développement d’industries locales compétitives. Mais en pratique, le protectionnisme conduit souvent à l’inefficacité.

Ripostes et guerres commerciales : Les hausses tarifaires entraînent généralement des représailles, provoquant des guerres commerciales qui freinent les investissements et le commerce mondial.

La stratégie de Trump : crise ou pari calculé ?

Alors que les théories et l’histoire montrent que les tarifs nuisent à la croissance du PIB, pourquoi Trump s’y accroche-t-il ? L’analyse révèle cinq motivations stratégiques :

Déficits jumeaux : Les États-Unis souffrent d’un déficit budgétaire de 1,9 trillion $ et d’un déficit courant de 1,13 trillion $. La dette publique dépasse les 36 trillions $, contre un PIB de 29 trillions $. Trump cherche à réduire le déficit budgétaire via une agence de l’efficacité gouvernementale et à compenser le déficit commercial via les tarifs.

Soutien aux industries américaines : Les droits de douane sont vus comme un levier pour renforcer l’industrie locale. Des baisses d’impôts pour les entreprises sont attendues, financées par les économies budgétaires — ce qui pourrait stimuler le PIB.

Taux d’intérêt élevés : Trump les voit comme un obstacle à sa stratégie. Il fait pression sur la Réserve fédérale pour les baisser et ainsi réduire les coûts d’emprunt.

Négociations bilatérales : En gardant la porte ouverte à des accords bilatéraux, Trump espère renégocier des accords commerciaux plus avantageux.

Stratégie monétaire : Ses conseillers prônent un affaiblissement du dollar pour stimuler les exportations. Si la Fed baisse les taux, cela pourrait entraîner une guerre des monnaies, risquant d’aggraver l’instabilité mondiale.

Réactions internationales : vers une guerre commerciale et monétaire ?

Les mesures de Trump ont déjà suscité des réactions d’alliés comme d’adversaires. Plusieurs pays préparent leurs propres hausses tarifaires, risquant de déclencher une guerre commerciale. Les États-Unis, qui représentent plus d’un quart de l’économie mondiale, pourraient en sortir gagnants. Mais le risque majeur reste une guerre des devises, qui pourrait entraîner une crise économique mondiale.

On s’attend à des négociations bilatérales intenses dans les prochains mois pour limiter les effets négatifs de ces hausses.

Simuler l’impact des droits de douane

Il n’existe pas de formule universelle liant croissance du PIB, expansion du commerce et droits de douane. Mais certaines observations se dégagent :

Commerce et PIB : Dans les économies ouvertes, la croissance du commerce est fortement corrélée à celle du PIB, car le commerce constitue un pilier du PIB dans les modèles de dépenses.

Elasticité des importations : L’impact réel des droits de douane dépend de la sensibilité de la demande aux prix. Un dollar faible rend les produits américains plus compétitifs à l’exportation.

Pour comprendre les effets croisés des tarifs, du PIB, des flux commerciaux et de la monnaie, un cadre d’analyse simplifié peut être proposé :

(Les détails de l’équation sont omis ici pour simplification. Voir le rapport complet.)


Illustration 1 : Simulation de l’impact des hausses tarifaires de Trump sur le commerce international et le PIB mondial (Source : nos calculs)

Conclusion

Comme le montre le graphique de simulation 1, les effets des hausses tarifaires de Trump sur le commerce mondial et le PIB global sont réels et inévitables. Cependant, l’ampleur exacte des dégâts reste difficile à chiffrer en raison de la complexité du système commercial mondial.