Alors que Gaza s’endort sur le succès de la première étape de la solution et s’éveille aux complications attendues de la seconde, le tumulte politique au Liban s’intensifie, marqué à la fois par des dimensions sécuritaires et militaires. Le débat tourne autour de deux enjeux centraux : l’interdépendance entre reconstruction et désarmement, et la déclaration du président Joseph Aoun selon laquelle le Liban doit rejoindre — plutôt que entraver — la vague de règlements régionaux à travers des négociations indirectes avec Israël.
Il est évident que le Liban n’a d’autre option qu’une solution politique par la négociation et la diplomatie. Toutes les tentatives de solution militaire se sont effondrées lors de la « guerre de soutien », l’idée de libération par les armes s’est dissipée, et avec elle a disparu le slogan préféré de l’ancien chef du « Hezbollah », Hassan Nasrallah : « Le champ de bataille a le dernier mot. » En réalité, le « Hezbollah » avait déjà, en pratique, livré ses armes sur le champ de bataille au sud du Litani, abandonnant le manteau de la « résistance » dès qu’il s’est retiré de la Ligne bleue et des fermes de Chebaa.
Ce retrait des lignes de front a soulevé des questions urgentes sur le maintien des armes au nord du Litani, jusqu’à Beyrouth et la Békaa, et sur la justification de leur détention, alors que l’arène réelle de la résistance est désormais fermée. L’histoire n’a jamais connu de résistance menée à distance ou par correspondance, mais seulement par confrontation directe. Les expériences récentes de l’Iran et du Yémen sont la preuve la plus claire de l’inutilité de la « résistance à distance » : ni les missiles iraniens, ni les drones houthis, ni les roquettes du « Hezbollah » n’ont libéré de terres ni modifié les équilibres sur le terrain. Oui, ils ont causé des destructions et engendré des victimes, mais sans aucun changement stratégique ni impact politique notable. Le même sort attendrait les missiles du « Hezbollah » en cas de nouvelle utilisation.
Au-delà de l’arsenal subsistant du « Hezbollah » au sud du Litani, sa présence ailleurs bloque l’exclusivité de l’autorité de l’État et décourage les pays donateurs de financer la reconstruction. Là réside le nœud central : l’aide internationale et arabe se heurte au chaos des armes illégales, créant une relation inverse et hostile entre stabilité et déni. Ce blocage devrait se répercuter sur la conférence internationale de reconstruction promise par le président français, beaucoup d’États arabes et mondiaux risquant de se retirer si la question des armes n’est pas réglée. En revanche, la conférence de soutien à l’armée libanaise reçoit un large encouragement, compte tenu de son rôle en tant qu’institution chargée de monopoliser les armes.
La demande du « Hezbollah » de commencer la reconstruction avant de livrer ses armes n’a trouvé aucun écho, ni arabe ni international. Pas une seule condamnation étrangère n’a été exprimée face aux raids israéliens qui ont détruit des centaines de grues et de bulldozers destinés à la reconstruction dans la région de Msayleh. Ce silence souligne l’insistance de l’extérieur sur la priorité du démantèlement des armes comme condition préalable à l’aide, et sur l’idée que la solution au Liban ne peut être fragmentée comme le souhaiterait le « Hezbollah », mais doit être abordée comme un tout intégré — militaire, politique et financier.
Quant à l’appel du président Aoun pour que le Liban rejoigne la voie régionale vers la paix par la négociation, il s’agit d’un droit constitutionnel consacré à la présidence. Cela contraste avec les négociations sur la frontière maritime en 2022, lorsque le duo Amal–« Hezbollah » a monopolisé les pourparlers sous parrainage américain, laissant au président de l’époque le simple « honneur » de l’annonce. Aujourd’hui, le mécontentement du « Hezbollah » face à l’initiative présidentielle est évident pour deux raisons : elle lui retire la carte de la négociation, et il craint que le sort de Gaza ne s’étende au Liban. Cela explique son alignement total sur la décision de boycott iranien de la conférence de paix de Charm el-Cheikh — en contradiction avec le consensus islamique, arabe et international — et sa tentative d’isoler également le Liban.
Le problème est que l’Iran et son bras libanais n’ont pas d’alternative au processus de paix régional et aucun outil efficace en dehors de la négociation. Ils ont tenté la guerre, exploité le contrôle de quatre capitales arabes, et brandi la doctrine de l’effacement d’Israël et de la libération de Jérusalem — mais aujourd’hui, ils font face à la confusion sur le terrain, à l’isolement régional et à une contraction politique, économique et financière.
Le président libanais a eu raison de saisir le moment politique régional et international et de s’aligner sur les faits, les réalités et les voies appropriées. Ce n’est pas un détail que sa position, soutenue par le gouvernement, ait été appuyée par les présidents américain et français, ainsi que par une sympathie arabe notable. De toute évidence, les prochaines négociations se dérouleront sous parrainage international et arabe, visant d’abord à lever les mines des armes par la reconstruction, puis à poser les fondations de la souveraineté libanaise sur ses frontières historiques, par la libération des territoires encore occupés et le règlement des différends de longue date avec la Syrie et Israël, pour ouvrir une nouvelle phase de stabilité et de prospérité.
Le Liban a atteint le seuil de son salut. Le pari repose désormais sur la conscience de ses dirigeants : qu’ils ne manquent pas cette chance de le sauver, et qu’ils ne perdent pas de vue la bonne direction.
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