Le Moyen-Orient réaffirme aujourd’hui une vérité historique immuable : il n’existe pas d’inimitiés éternelles, pas de guerres sans fin, et les résultats ne sont pas déterminés par la justice mais par l’équilibre des forces. Dans ce contexte, le train arabe de la paix avec Israël—parti de Camp David en 1978, passé par Oslo et Wadi Araba, par les relations commerciales avec le Qatar, et par les accords avec Bahreïn et les Émirats arabes unis—semble désormais proche de sa dernière station. L’année 2026 pourrait bien marquer la fin du conflit historique arabo-israélien.
La position officielle du Liban reconnaît pleinement cette réalité, et la majorité de sa population la partage—à l’exception des partisans du duo chiite et d’une petite minorité qui s’accroche encore aux vestiges du nassérisme, du baasisme et du nationalisme syrien. Cette évolution se reflète dans les positions de la plupart des blocs parlementaires, qui traduisent la volonté de leurs électeurs, ainsi que dans l’absence de manifestations massives. Contrairement à l’époque de Gamal Abdel Nasser, de Yasser Arafat, ou même au rassemblement du 8 mars « Merci la Syrie », Beyrouth n’a pas connu de manifestations transconfessionnelles rejetant la nouvelle réalité moyen-orientale.
Au moment même de l’événement crucial du 13 octobre 2025—la fin de la guerre de Gaza selon la proposition du président américain Donald Trump—ce dernier passait du Knesset israélien à Charm el-Cheikh, où se tenait la conférence de paix sur Gaza, dessinant la feuille de route de la prochaine étape. Dans le même temps, le président libanais, le général Joseph Aoun, déclarait devant l’Association des journalistes économiques l’intention du pays de s’engager dans le processus régional de « résolution des conflits », affirmant : « Nous ne pouvons pas rester en dehors de ce processus. » Il soulignait que les négociations « se dirigent vers l’établissement de la paix et de la stabilité, et elles produisent déjà des résultats (...). Par le dialogue et la négociation, des solutions peuvent être trouvées. » Et il ajoutait fermement : « Le Liban ne peut plus supporter davantage de guerres, de destructions, de meurtres et de déplacements. »
Anticipant toute accusation de trahison pour le simple fait de proposer des pourparlers avec Israël, Aoun rappela que « l’État libanais a déjà négocié avec Israël sous l’égide des États-Unis et des Nations unies, ce qui a abouti à l’accord de délimitation des frontières maritimes. Alors pourquoi cela ne pourrait-il pas se reproduire pour résoudre les différends en suspens, surtout que la guerre n’a rien donné ? » En filigrane, le message était clair : la guerre du Hezbollah n’a rien produit, et il s’agissait aussi de rappeler les dix années de négociations menées par le « grand frère » du parti, le président du Parlement Nabih Berri, avant que le président Michel Aoun ne soit appelé à s’afficher en première ligne.
Bien entendu, le chef de l’État a dénoncé les violations et les agressions israéliennes, exprimant l’espoir que les opérations militaires contre le Liban cesseraient et que les négociations pourraient commencer, avertissant que « ce chemin régional ne doit pas être entravé. » Mais il posa la question cruciale : si Israël arrêtait ses agressions, se retirait des territoires libanais et libérait les détenus—créant ainsi un climat propice aux pourparlers—que ferait alors le « Hezbollah » ?
C’est là le dilemme auquel le mouvement est confronté. Son approche d’Israël n’est pas politique mais idéologique et religieuse. Suivant la doctrine de l’imam Khomeini, il considère Israël comme une « tumeur cancéreuse » qu’il faut éradiquer—une idée sur laquelle repose toute son identité. L’existence d’un État juif dans la région contredit directement le projet fondamental du « Hezbollah » : l’instauration d’une république islamique gouvernée par la charia. Tout accord de paix avec Israël crée donc une crise existentielle pour le parti, le privant de l’une de ses principales justifications.
En 2002, le Liban avait endossé l’Initiative de paix arabe lancée par le roi saoudien Abdallah lors du sommet arabe de Beyrouth, centrée sur la solution à deux États. À l’époque, c’était sous la présidence d’Émile Lahoud, l’un des alliés les plus proches du Hezbollah, et avec la participation du président syrien Bachar el-Assad, tous deux favorables à l’initiative. Cela avait contraint le « Hezbollah » à éviter de la critiquer ouvertement—pour ne pas embarrasser Assad ou Lahoud—préfèrant mettre en doute les intentions d’Israël et souligner ses ambitions historiques, tout en misant sur les obstacles au processus de paix et la capacité de « l’axe de la résistance » à le faire échouer. Les dirigeants du « Déluge d’Al-Aqsa » n’ont d’ailleurs pas caché que l’attaque du 7 octobre avait pour but de torpiller le processus de négociation arabe, en particulier saoudien, avec Israël.
Aujourd’hui, l’heure de vérité a sonné. Il n’existe plus d’axe capable de bloquer la paix, ni de possibilité pour le « Hezbollah » d’imposer son tempo à l’intérieur. Pour la première fois, la position officielle du Liban est aussi claire, l’opinion publique aussi ouverte, et la pression internationale aussi forte.
La question qui se pose désormais est de savoir si le « Hezbollah » se révoltera en interne contre cette trajectoire, ou s’il fuira en avant à l’image du Hamas—s’accrochant à ses armes jusqu’à l’effondrement, avant de « jeter l’éponge » après avoir prétendu sauver des vies et protéger ce qui restait. Entre idéologie et réalisme politique, entre obstination et équilibre des forces, le « Hezbollah » se retrouve dans une situation peu enviable. Il est face à un choix crucial, existentiel.
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