Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que Moscou pansait ses plaies et exhibait sa victoire sur le nazisme, une question obsédait Joseph Staline : « Pourquoi le monde parle-t-il sans cesse des gratte-ciel de New York et de la tour Eiffel à Paris, alors que la capitale du communisme ne montre à son horizon que des coupoles dorées et des maisons modestes ? » De là naquit son ambition : ériger une couronne de tours monumentales, véritables tiares de pierre prouvant au monde que l’Union soviétique pouvait incarner à la fois puissance, modernité et symbolisme.
Surnommées les « Sept Sœurs », ces merveilles architecturales furent construites entre 1947 et 1953. Ce sont des forteresses gothiques coiffées d’étoiles rouges, visibles depuis tous les recoins de la capitale russe.
L’Université d’État de Moscou : Plus une ville dans un bâtiment qu’un simple campus. Avec près de 240 mètres, elle devint alors le plus haut édifice d’Europe. Ses interminables couloirs s’étendent sur des dizaines de kilomètres et ses salles immenses rappellent une ville à elles seules. Staline ne voulait pas seulement une université, mais un sanctuaire destiné à former les générations futures du communisme. Aujourd’hui encore, l’édifice reste le cœur battant de la plus prestigieuse université russe.
L’Hôtel Ukraina : Le luxe sur les rives de la Moskova. À son ouverture en 1957, c’était le plus grand hôtel du monde. Ses murs racontent l’histoire russe à travers d’immenses fresques, tandis que ses suites accueillaient dirigeants et célébrités. Aujourd’hui, il renaît sous le nom de Radisson Royal Moscow, alliant faste soviétique et raffinement contemporain.
Le Ministère russe des Affaires étrangères : Une forteresse diplomatique de fer. Sa façade gothique et sa couronne d’acier suggéraient que quiconque y entrait en ressortirait durci comme le métal. Il reste encore aujourd’hui le centre névralgique de la diplomatie russe, où se négocient accords et orientations stratégiques.
Les Résidences de Kotelnitcheskaya et de Koudrinskaïa : Construites comme appartements luxueux pour l’élite soviétique – scientifiques, pilotes, ingénieurs de l’armement. Dans ces murs se sont déroulées des histoires d’amour, des intrigues politiques et la vie quotidienne sous l’ombre pesante de Staline. Elles sont toujours habitées et entourées de légendes, témoins vivants de l’époque soviétique.
L’Hôtel Léningrad : Plus modeste par sa taille, mais hautement symbolique, il fut bâti près des gares afin d’être la première vision des voyageurs arrivant à Moscou. Aujourd’hui intégré au groupe Hilton, il conserve néanmoins l’âme de l’architecture soviétique dans ses murs et plafonds richement décorés.
La Tour de la Porte Rouge (Red Gate) : L’une des premières achevées, elle abritait le ministère soviétique des Transports dans un édifice au style quasi royal. Elle devint ensuite un centre administratif pour les compagnies ferroviaires russes.
Ainsi naquirent les Sept Sœurs, la déclaration de Staline selon laquelle l’Union soviétique pouvait rivaliser avec l’Occident, voire le surpasser. Aujourd’hui, près de quatre-vingts ans plus tard, ces tours dominent toujours la silhouette de Moscou, dessinant un horizon reconnu dans le monde entier.