La gouvernorat de Baalbek-Hermel, dans l’est du Liban, fait face à l’une des crises environnementales les plus graves de son histoire récente : la sécheresse. Cette région, pilier essentiel du panier alimentaire libanais, connaît un déclin drastique de ses ressources en eau et de sa production agricole, mettant en péril les moyens de subsistance de milliers de familles et fragilisant la sécurité alimentaire nationale.

Climat changeant et agriculture sous pression

La sécheresse est liée à des changements climatiques accélérés, notamment une baisse des précipitations et une hausse des températures, impactant directement l’agriculture pluviale. Les cultures clés comme le blé et l’orge risquent un échec total, tandis que la qualité et la quantité des produits agricoles se réduisent, provoquant des pertes économiques considérables pour les agriculteurs.

Une crise hydrique désastreuse

La dégradation des ressources en eau à Baalbek-Hermel ne date pas d’hier. Un rapport de 2025 de l’Autorité du fleuve Litani a qualifié cette année d’« exceptionnellement sèche », avec des précipitations inférieures aux normales, affaiblissant la recharge des nappes phréatiques et des sources vitales.

Parmi les exemples marquants :

- La source de Ras Al Ain à Baalbek, qui fournissait plus de sept millions de mètres cubes par an dans les années 1990, est aujourd’hui complètement asséchée.

- La source d’Ain Al Zarqa à Hermel a vu son débit moyen chuter d’environ 77 millions à 56 millions de mètres cubes annuels, soit une baisse de 27 %.

Les puits artésiens : solution temporaire ou catastrophe imminente ?

Avec l’assèchement des rivières et des sources, les agriculteurs ont recours au forage de puits artésiens. Rien que dans la zone des projets de Qa’a, on dénombre plus de 4000 puits. Mais cette solution provisoire menace désormais les réserves stratégiques d’eau souterraine du Liban, d’autant que certains puits sont forés jusqu’à 500 mètres de profondeur, dans un contexte de coûts de forage et d’exploitation vertigineux.

Le combat des agriculteurs

George Al-Fakhri, agriculteur de Deir Al-Ahmar, confie à Safa News : « La situation est devenue catastrophique. Avant, nous creusions des puits de 50 mètres et trouvions de l’eau. Aujourd’hui, nous forons jusqu’à 400 mètres sans garantie. Nous pompions pendant des heures avec des factures d’électricité insoutenables ou achetons du diesel à des prix exorbitants. Si les puits se tarissent, nous perdrons tout. »

Des effets sociaux et économiques dévastateurs

La sécheresse a réduit les revenus des agriculteurs et accéléré l’exode rural, impactant directement les prix des denrées alimentaires sur les marchés libanais. Cette crise aggravée affecte non seulement les agriculteurs, mais l’économie libanaise dans son ensemble, notamment en raison de la diminution des opportunités d’emploi dans le secteur agricole et de l’absence de solutions gouvernementales efficaces.

Des solutions proposées — et urgemment nécessaires

Le professeur Hassan Makhlouf, président du Mouvement environnemental libanais, qualifie la situation de « tragique à tous points de vue » dans un entretien avec Safa News. Il rappelle que la baisse des précipitations a commencé il y a plus de deux décennies et propose plusieurs mesures urgentes :

- Obligation pour les agriculteurs de construire des réservoirs pour stocker l’eau.

- Adoption de l’irrigation nocturne ou à l’aube pour limiter l’évaporation.

- Changement des cultures vers des variétés résistantes à la sécheresse comme le pistachier et la vigne.

- Interdiction du forage anarchique de puits.

- Création d’un observatoire national des ressources en eau pour un suivi environnemental précis.

- Encouragement à l’utilisation de techniques d’irrigation modernes et soutien financier et technique aux agriculteurs.

Une crise nationale nécessitant une mobilisation générale

La sécheresse à Baalbek-Hermel n’est plus seulement une crise environnementale ou agricole, mais un défi national exigeant une action urgente de l’État, de la société civile et des organisations internationales. Garantir la durabilité du secteur agricole libanais et préserver la sécurité alimentaire et hydrique du pays commence ici, sur cette terre qui souffre en silence mais lance un cri d’alarme pour des solutions.