Avec l’arrivée de l’été, le spectre des incendies de forêt revient hanter le Liban — un cauchemar récurrent qui menace ce qu’il reste des précieuses forêts et richesses naturelles du pays. Cette année ne fait pas exception. Les flammes ont déjà ravagé plusieurs régions, dans un contexte de chaleur extrême, de sécheresse inédite et d’absence quasi totale d’infrastructures pour les contenir. Comme si la nature au Liban était condamnée à être consumée par le feu, année après année.
Michel Saliba, directeur de l’école de formation de la Défense civile, lance un cri d’alarme :
« Nous combattons les flammes à mains nues — sans équipement adéquat, sans avions bombardiers d’eau, même sans plans d’urgence efficaces sur le terrain. »
Il déplore que le Liban continue de gérer les incendies de manière réactive, à chaque saison estivale, plutôt que de mettre en place une planification préventive sérieuse.
« La préparation doit commencer avant l’été, pas une fois que les flammes sont déjà là », insiste-t-il.
Négligence ou acte volontaire : un pays en danger
Les incendies de forêt au Liban ont des causes multiples. La plupart sont dus à la négligence humaine — comme le brûlage incontrôlé d’herbes sèches — ou à des feux déclenchés intentionnellement pour des raisons agricoles ou immobilières. En l’absence de sanctions, de surveillance efficace et d’un État réactif, le scénario catastrophique se répète chaque année, comme si la nature punissait un pays incapable d’en prendre soin.
Rien qu’en 2019, le Liban a connu plus de 1 500 incendies de forêt, qui ont détruit des milliers d’hectares de bois et de terres agricoles, emportant avec eux une flore rare et précieuse, parfois impossible à régénérer avant des décennies.
Un trésor national en flammes
Ces forêts ne sont pas de simples arbres — ce sont les poumons du Liban. Elles purifient l’air, abritent la biodiversité et protègent des espèces végétales et animales rares. Leur disparition entraîne la désertification, la pollution et un déséquilibre écologique majeur menaçant la stabilité environnementale du pays.
Pire encore, les flammes se rapprochent parfois dangereusement des zones habitées, forçant les populations à évacuer leurs maisons et mettant en péril leurs biens et moyens de subsistance. De leur côté, les équipes de la Défense civile luttent avec un équipement rudimentaire et une formation souvent basée sur le dévouement personnel plutôt que sur une stratégie institutionnelle.
Les solutions existent — mais la volonté manque
Pour le Dr Nader Haddad, expert en environnement, la crise des incendies de forêt au Liban n’est pas une fatalité mais le fruit d’un abandon prolongé.
« Aucun investissement conséquent n’a été fait pour acheter des avions de lutte contre les incendies, les équipements sont obsolètes, et aucune campagne de sensibilisation sérieuse n’est menée avant la saison estivale. »
Ce qu’il faut, selon lui, c’est un plan d’action national : des moyens techniques modernisés, un programme de formation structuré et, surtout, une législation stricte pour sanctionner toute personne responsable d’un départ de feu, qu’il soit intentionnel ou dû à une négligence.
Le Liban ne peut pas se permettre une catastrophe de plus, qui viendrait s’ajouter à ses crises multiples. Protéger les forêts n’est plus un luxe écologique, c’est une nécessité nationale. Il est temps d’agir, avant que les flammes ne reviennent.
Et comme l’a supplié Michel Saliba : « Nous ne voulons plus combattre le feu à mains nues. Est-ce que quelqu’un écoutera, avant que nous ne partions tous en fumée ? »