À peine la guerre américano-israélienne contre l’Iran achevée, que les pressions américaines, occidentales et israéliennes sur le gouvernement libanais se sont intensifiées, exigeant le désarmement du « Hezbollah ». Ces pressions ont été précédées par le message transmis aux responsables libanais par l’émissaire libano-américain Thomas Barrack durant la guerre de douze jours, les exhortant à désarmer le « Hezbollah » et à confier exclusivement à l’État la décision de guerre et de paix—une formule qui revient, en réalité, à exiger le désarmement. Barrack souhaiterait que cette opération soit achevée dans quelques semaines.

Ces pressions ont coïncidé avec des appels de forces politiques locales, notamment du parti des Forces Libanaises, pour établir un calendrier de désarmement et convoquer une session du cabinet pour l’approuver. Parallèlement, l’ancien dirigeant du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, a surpris l’opinion publique intérieure et extérieure en annonçant qu’il y a trois semaines, son parti avait remis ses armes à l’armée libanaise après les avoir rassemblées « en un lieu précis » à Moukhtara, et en appelant les autres partis armés à l’imiter.

Le geste de Joumblatt a soulevé de nombreuses interrogations sur son timing et ses motivations, d’autant plus qu’il est réputé pour sa capacité à pressentir ce qui se trame à l’étranger pour le Liban et la région.

Washington et Tel-Aviv comptaient faire de la guerre contre Téhéran le « chapitre final » des conflits dans leur projet de remodelage du Moyen-Orient, une vision longtemps défendue par Benjamin Netanyahou. Ils pensaient qu’après avoir affaibli et neutralisé les « bras régionaux » de l’Iran, il serait indispensable de frapper l’Iran lui-même—le chef de « l’Axe de la Résistance »—pour faire s’effondrer l’ensemble de l’axe. Mais il semble que les vents de la guerre n’aient pas soufflé en faveur des calculs américano-israéliens : malgré les lourdes frappes nucléaires, militaires et même politiques subies par l’Iran, le régime iranien qu’ils espéraient voir vaciller est sorti plus soudé pendant et après la guerre.

Quoi qu’il en soit, ce qui est arrivé à l’Iran rappelle ce qu’a enduré le « Hezbollah »—des coups douloureux portés à sa direction politique et militaire—mais le groupe n’a pas chuté, comme en témoigne la poursuite de la guerre israélienne contre lui, avec le soutien des États-Unis, puisque le « Hezbollah » et ses alliés demeurent le principal obstacle au projet de « changement » du Moyen-Orient. C’est sans doute la raison pour laquelle la campagne américano-occidentale-israélienne s’est intensifiée, en exerçant des pressions sur le gouvernement libanais pour désarmer le « Hezbollah » dans les semaines à venir—avant que le Conseil de sécurité de l’ONU ne statue sur le sort des forces de la FINUL dans le sud, dont le mandat devrait probablement être prolongé.

Réponse au message de Barrack

Les autorités libanaises travaillent à une réponse unifiée au message américain transmis par Barrack, qui comprendrait trois points principaux : fixer un calendrier pour le désarmement des armes illégales—en particulier celles du « Hezbollah »  ; approuver les réformes internes et internationales exigées  ; et traiter la question des relations libano-syriennes.

Un élan se dessine pour convoquer une session du cabinet après la commémoration de l’Achoura afin de discuter de ces trois dossiers. Parmi les propositions examinées figure celle de synchroniser le calendrier de désarmement avec un retrait israélien des territoires libanais occupés. Il est dit qu’Israël pourrait commencer par se retirer de cinq collines du sud comme première étape, une fois que le gouvernement libanais aura approuvé le calendrier du désarmement. Un autre rapport indique que les États-Unis attendraient du gouvernement libanais qu’il adopte des mécanismes pour placer les armes exclusivement sous le contrôle de l’État dans la semaine suivant l’annonce du calendrier, avec un processus devant s’achever en six mois.

Barrack s’est rendu en Arabie saoudite peu après son dernier séjour au Liban, où il a rencontré le ministre des Affaires étrangères, le prince Fayçal ben Farhan, ainsi que le responsable du dossier libanais au sein de la diplomatie saoudienne, le prince Yazid ben Farhan, pour discuter de sa mission au Liban et en Syrie.

Il est clair que les États-Unis ont intensifié leurs efforts pour stabiliser la nouvelle direction syrienne sous la présidence d’Ahmed Al-Charaa. Washington a communiqué cette stratégie à ses alliés régionaux et occidentaux. Le président Donald Trump a également abordé le sujet avec son homologue turc Recep Tayyip Erdoğan lors d’un sommet de l’OTAN, et ils sont convenus d’une coopération étroite sur l’avenir de la Syrie sous la direction d’Al-Charaa. Cependant, ils n’ont pas évoqué le Liban, voisin immédiat de la Syrie—une omission qui pourrait être délibérée.

Une alliance internationale et régionale

Il est aussi question que le Liban se prépare à rejoindre une alliance américano-turco-syro-golfienne pour soutenir la Syrie, afin de garantir une part dans la reconstruction future du pays et l’extraction de pétrole et de gaz. Jusqu’à présent, aucune entreprise n’a soumis de nouvelles offres pour explorer les ressources maritimes du Liban, après les deux échecs solitaires de TotalEnergies dans les blocs 4 et 9 sous la présidence de Michel Aoun. Par ailleurs, aucune initiative concrète n’a été prise, ni en interne ni à l’international, pour reconstruire les zones du sud du Liban, de Beyrouth, de sa banlieue sud ou de la Bekaa, endommagées par la guerre israélienne.

On rapporte également que les États-Unis, les pays occidentaux, arabes et la Turquie détermineront la nature de leurs relations avec le Liban en fonction de son approche vis-à-vis de la nouvelle direction syrienne. Ces pays souhaitent que le Liban établisse des relations claires avec le nouveau gouvernement syrien et obtienne la coopération des forces politiques libanaises. Ces attentes ont suscité des craintes, dans certains milieux libanais, quant à un possible retour du Liban sous tutelle syrienne.

La position chiite

Fait notable, des fuites ont circulé suggérant que l’Iran aurait abandonné les chiites du Liban, les laissant dans l’obligation de renoncer à leurs positions fondamentales et d’en adopter de nouvelles, notamment en soutenant un traité de paix entre le Liban et Israël pour « se protéger ». La diffusion de ces fuites semble viser à créer un consensus libanais en faveur d’un accord de paix avec Israël, puisqu’un tel accord ne peut aboutir sans l’adhésion des chiites. La pression sur les chiites du Liban semble s’intensifier dans ce sens.

Cependant, les déclarations publiques des dirigeants du « duo chiite » rejettent cette voie. Ils manifestent une flexibilité et une disposition à discuter de solutions sur la question des armes à travers une stratégie de défense nationale et soutiennent l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, mais refusent catégoriquement toute paix avec Israël, estimant que l’accord d’armistice signé en mars 1949 suffit.

Pour illustrer cette position, le mufti jaafarite Cheikh Ahmad Qabalan a déclaré : « Les habitants du sud ne sont le cadeau de personne, et la résistance qui a libéré le Liban pendant des décennies n’acceptera pas de vendre le pays. »

Il est certain que cette position ne reflète pas seulement l’avis personnel du Cheikh Qabalan, mais bien la véritable position du duo chiite et de ses alliés.