Regardez attentivement les visages du président américain Donald Trump et du célèbre animateur français Jacques Martin, disparu en 2007 : vous y verrez de nombreuses similitudes physiques. Mais au-delà des traits, la guerre israélo-iranienne, qui dure depuis douze jours, a révélé un autre parallèle.
Jacques Martin, créateur de l’émission à succès L’école des fans, faisait monter des enfants sur scène pour interpréter les chansons de leurs artistes préférés, et à la fin, tout le monde sortait gagnant — « tout le monde à gagner ». De son côté, Trump, qui a dirigé cette guerre comme un metteur en scène, producteur, présentateur et animateur omniprésent, a ponctué chaque heure des douze jours de conflit par une déclaration ou une prise de position. Il est finalement apparu face aux deux camps en guerre, a ordonné l’arrêt des hostilités, puis a conclu en proclamant que tout le monde avait gagné : « Que Dieu bénisse les États-Unis, Israël et l’Iran ». Tout le monde a gagné, tout le monde a été béni.
Ce dénouement en a surpris plus d’un, tant il contrastait avec les scénarios dramatiques annoncés, dignes des vieux films arabes interminables. De nombreux analystes prédisaient une troisième guerre mondiale, un conflit prolongé, la chute du régime iranien permettant à Israël de se tourner vers le Liban, l’anéantissement d’Israël ou encore une pression extrême sur l’Iran pour la forcer à renoncer à son programme nucléaire.
Cette conclusion inattendue a laissé plus d’un sans voix, notamment au Liban, où chacun s’est empressé de justifier ses anciennes positions. Certains ont affirmé qu’Iran était perdante et que la chute de son régime n’était qu’une question de jours. D’autres ont vu dans l’échec d’Israël à stopper le programme nucléaire iranien une défaite et le début du déclin de Netanyahu. Un troisième camp a interprété la situation comme une simple trêve, une « pause du guerrier », puisque les causes du conflit demeurent intactes. D’autant plus que Trump — à qui l’on prête un coup de colère contre Netanyahu — pourrait surprendre le monde avec de nouvelles décisions après la reprise prévue des négociations avec l’Iran la semaine prochaine.
En attendant, que ce soit la fin des hostilités ou une accalmie temporaire, le Liban reste pris dans la tourmente, comme en témoignent les agressions israéliennes quotidiennes sur son territoire et contre sa population. Les « tribus libanaises désunies », comme je les ai appelées dans un article précédent, saisiront-elles cette rare occasion offerte par l’accalmie relative au Moyen-Orient pour s’entendre, ne serait-ce qu’un instant, afin de restaurer la confiance, encourager le retour des expatriés libanais et attirer touristes arabes et étrangers, permettant ainsi au pays de vivre l’été prometteur que l’on espérait ?
Cet appel à l’unité n’est pas un simple vœu pieux ; il s’appuie sur une réalité stratégique : la guerre Israël-Iran, quelles qu’en soient les issues, ne modifiera pas fondamentalement l’équilibre interne libanais. L’Iran reste concentrée sur sa situation intérieure, ses intérêts internationaux et régionaux, et son rôle géopolitique que beaucoup veulent lui retirer. Israël, elle, ambitionne d’imposer un « nouvel âge israélien » au Moyen-Orient, après ses frappes répétées contre les Palestiniens et sur le front libanais, espérant amener tous les pays arabes — et même l’Iran — à conclure des accords de paix en sa faveur.
Mais rien de tout cela ne changera la dynamique libanaise, sous surveillance régionale et internationale : aucun bouleversement ne peut s’y produire sans l’aval des puissances tutélaires. Croire qu’un seul camp libanais pourrait l’emporter est une illusion, car ces puissances s’assurent toujours que chaque faction soit contrée par une autre pour l’empêcher de s’arroger le pouvoir. Ainsi, le parrain extérieur reste le seul maître du jeu, tirant les ficelles selon ses intérêts.
La guerre Israël-Iran est une confrontation régionale inscrite dans un affrontement international qui se joue au Moyen-Orient. Aucun parti libanais ne doit se croire acteur majeur de ce drame, comme si le vent allait s’arrêter pour lui demander dans quelle direction souffler.
Dans ce contexte, tout excès de puissance ressenti par l’une ou l’autre des factions est illusoire et pourrait se retourner contre elle au moment de récolter les fruits, à l’image des bandes de voleurs qui, après leur coup, se déchirent pour le butin — à la différence, bien entendu, des acteurs politiques libanais.