Alors que les batailles des élections municipales et locales sont désormais terminées, une confrontation plus large et bien plus décisive se profile : les élections législatives libanaises, prévues pour mai prochain. Les résultats des municipales ont donné le ton à ce qui s’annonce comme une lutte acharnée pour le contrôle du prochain gouvernement, les camps politiques rivaux visant à obtenir une majorité parlementaire déterminante.
Au cours de quatre tours couvrant l’ensemble des mohafazats du pays, les factions politiques se sont affrontées avec vigueur dans les élections locales — non seulement pour affirmer leur poids représentatif, mais aussi pour mesurer l’évolution de l’opinion de leurs bases. Ces élections ont servi de baromètre pour évaluer la réaction du public libanais face aux événements qui secouent le pays et la région depuis 2022, notamment la guerre israélienne en cours contre le Liban, l’assaut meurtrier sur Gaza, l’effondrement de l’ancien régime syrien et l’émergence d’un nouveau pouvoir, ainsi que la reprise des négociations entre les États-Unis et l’Iran, avec l’espoir d’un éventuel accord.
Les analystes politiques s’accordent à dire que les élections législatives de 2026 seront déterminantes pour l’avenir politique du Liban. Les résultats des municipales ont mis en lumière de nouvelles réalités que chaque camp interprétera pour redéfinir sa taille, son influence et sa place dans le futur pouvoir.
Selon les prévisions, les législatives pourraient donner lieu à des alliances pour le moins « étranges et surprenantes », surtout si la loi électorale actuelle reste inchangée. Un précédent marquant a été observé lors des municipales de Beyrouth, où des courants diamétralement opposés — de l’extrême droite à l’extrême gauche — se sont unis derrière la liste « Beyrouth Btijma‘na », sous la bannière de la préservation de la parité musulmano-chrétienne au sein du conseil municipal, à l’image de l’époque du défunt Premier ministre Rafic Hariri, qui avait alors lancé le slogan « stop au comptage ».
Traditionnellement, au Liban, les alliances électorales ne se transforment que rarement en coalitions politiques durables. L’exemple de Beyrouth ne doit donc pas être considéré comme un modèle transposable aux législatives, où les intérêts électoraux priment généralement sur les affinités idéologiques. Toutefois, toute alliance à venir reflétera inévitablement le contexte politique du moment, qu’il soit local, régional ou international, les principales forces politiques libanaises étant enracinées dans des axes géopolitiques plus larges qui influencent, et sont influencés par, la scène libanaise.
Les municipales ont permis de clarifier un point : les forces majeures des prochaines législatives seront les Forces libanaises et leurs alliés, le tandem Amal-Hezbollah et leurs partenaires, ainsi que le Courant patriotique libre, qui adoptera probablement une stratégie opportuniste de « saut de branche en branche » pour préserver ses intérêts — une démarche similaire à celle attendue du Parti socialiste progressiste. Quant à la rue sunnite, elle reste indéfinie, en attente d’une décision du Courant du Futur sur sa participation ou non au jeu politique.
Alors que les campagnes législatives ont d’ores et déjà commencé à la suite des municipales, les tensions politiques internes devraient s’intensifier, notamment autour des dossiers sensibles qui seront exploités dans la bataille électorale. Cette confrontation sera éminemment politique, centrée sur la formation du prochain pouvoir, en fonction des réalités actuelles et des développements à venir.
De la même manière que les Forces libanaises et leurs alliés chercheront à obtenir la majorité parlementaire, le tandem chiite Amal-Hezbollah et ses partenaires viseront le même objectif. Une autre dimension cruciale de la compétition concernera la présidence du Parlement. Le duo chiite s’est préparé à remporter l’ensemble des sièges réservés aux chiites afin d’empêcher toute autre force — même majoritaire — de proposer un candidat concurrent. Pour le tandem, rafler tous les sièges chiites est plus stratégique encore que d’obtenir la majorité parlementaire globale. Et s’ils parviennent à réunir les deux, ce serait pour eux « de l’huile versée sur de l’huile ».
Le camp opposé, lui, mise sur le contexte régional actuel, notamment le soutien des États-Unis et de leurs alliés, qui ont clairement favorisé le bloc ayant constitué le nouveau gouvernement libanais il y a quelques mois.
En parallèle, le tandem chiite et ses alliés misent sur le facteur temps. Ils espèrent un revirement dans les dynamiques régionales et internationales, en particulier en cas d’accord entre Washington et Téhéran. Un tel accord, selon eux, pourrait renforcer leur position et garantir leur avenir au sein d’un pouvoir équilibré, surtout si aucune des deux parties n’obtient une majorité absolue.