Dans Nous ne sommes plus seuls au monde, Bertrand Badie propose une analyse critique de l'ordre international contemporain, en rupture avec les paradigmes hérités de la Guerre froide. Cet essai interroge la place de l'Occident dans un monde multipolaire et plaide pour une redéfinition des relations internationales.
Badie constate que l'ordre international, dominé par les puissances occidentales depuis la Seconde Guerre mondiale, est désormais obsolète. La fin de la bipolarité, marquée par la chute de l'URSS, a laissé place à un monde « apolaire », où les États-Unis peinent à maintenir leur hégémonie. L'émergence de nouvelles puissances économiques, la montée du communautarisme et la résurgence des identités locales fragilisent les États-nations traditionnels. Dans ce contexte, les anciennes puissances continuent d'imposer leur vision du monde, souvent perçue comme une forme de néocolonialisme. Badie critique cette posture et appelle à une reconnaissance de la diversité des acteurs et des perspectives dans les relations internationales.
En effet, l'ouvrage de Badie s'inscrit dans une tradition de réflexion sur les relations internationales, mais il se distingue par sa critique des paradigmes dominants. L'auteur dénonce l'illusion d'un monde régi par un ordre stable et prévisible, soulignant que les événements récents tels que les interventions en Irak, en Libye et en Syrie témoignent de l'échec des stratégies occidentales basées sur une vision unilatérale du pouvoir. Ces interventions, loin de promouvoir la stabilité, ont souvent exacerbé les conflits et contribué à la déstabilisation de régions entières.
Badie a souligné également la montée en puissance des sociétés du Sud, qui, longtemps reléguées au rôle de spectatrices, revendiquent une place active sur la scène internationale. Cette dynamique remet en cause l'idée d'un centre et d'une périphérie dans les relations internationales, en faveur d'un monde plus pluraliste et interconnecté.
L'un des apports majeurs de l'ouvrage réside dans sa critique du néoconservatisme, idéologie qui, selon Badie, cherche à imposer une vision occidentale du monde au détriment des spécificités culturelles et politiques des autres nations. Cette approche, loin de favoriser la paix et la coopération, engendre des tensions et des conflits, comme en témoignent les répercussions des interventions militaires occidentales.
Enfin, Badie plaide pour une redéfinition de la diplomatie, fondée sur le respect de l'altérité et la reconnaissance des autres comme partenaires égaux. Il appelle à une écoute attentive des sociétés locales et à une prise en compte de leurs aspirations et de leurs besoins. Cette démarche implique une remise en question des pratiques diplomatiques traditionnelles, souvent perçues comme paternalistes ou condescendantes.
Nous ne sommes plus seuls au monde est un ouvrage stimulant qui invite à repenser les fondements des relations internationales. En déconstruisant les mythes de l'ordre ancien, Badie ouvre la voie à une réflexion sur un monde plus équitable et respectueux de la diversité. Son analyse, bien que critique, offre des pistes pour une diplomatie renouvelée, fondée sur le dialogue, la compréhension mutuelle et la coopération.
*Nous ne sommes plus seuls au monde de Bertrand Badie est écrit en français et publié en 2016 aux Éditions La Découverte, collection Petits cahiers libres.