Depuis l’effondrement financier et monétaire qui frappe le Liban depuis 2019, les dégâts ont largement dépassé les banques traditionnelles et la Banque du Liban. Parmi les victimes silencieuses figure la Banque de l’habitat (ou la Société publique de l’habitat), une institution vitale qui, pendant des décennies, a représenté l’unique espoir pour les familles à revenu modeste d’accéder à un logement digne. Aujourd’hui, ce rempart social est en danger.

Une dégringolade brutale

La dévaluation de la livre libanaise a sévèrement réduit la valeur réelle des prêts accordés par la Banque de l’habitat, qui étaient remboursés en monnaie locale. Ce qui représentait autrefois un milliard de dollars ne vaut désormais que 17 millions — une perte de plus de 60 fois la valeur initiale. Cette érosion massive a paralysé la capacité de l’institution à accorder de nouveaux prêts.

Parallèlement, les nouveaux crédits ont été suspendus, faute de financements et de réformes législatives. Des milliers de familles libanaises se sont ainsi vues privées de toute possibilité d’acquisition, dans un contexte de crise économique aiguë et de départs massifs à l’étranger.

Chaos dans les remboursements et pénurie de personnel

La situation s’est aggravée avec l’afflux massif d’emprunteurs souhaitant solder leur dette d’un coup pour profiter de la chute du taux de change. Plus de 55 000 dossiers ont été déposés, alors même que l’institution ne fonctionne qu’avec 17 % de son effectif. Résultat : des retards, une surcharge administrative et un traitement anarchique des demandes.

Nombre de bénéficiaires se tournent vers des intermédiaires pour accélérer leurs dossiers, alimentant ainsi la confusion et ouvrant la porte à de possibles abus.

Le logement : un droit sacrifié

Selon le directeur général Rony Lahoud, la peur d’un passage au dollar pour les futurs crédits est infondée. Mais la méfiance du public vis-à-vis de l’État reste compréhensible. Même si les prêts sont à l’arrêt, une stratégie nationale de logement a été élaborée par l’institution et attend d’être examinée par le Conseil des ministres. Elle inclut un éventail de solutions : crédits classiques, location simple, et location avec option d’achat.

Parmi les propositions clés :

- Lancement d’un système de leasing avec l’appui du ministère des Finances.

- Avantages fiscaux pour les promoteurs immobiliers.

- Partenariats public-privé pour redynamiser le marché immobilier.

Quelles solutions pour relancer le secteur ?

- Un ensemble de mesures est nécessaire pour sauver le logement au Liban :

- Obtenir des financements en dollars frais via des institutions internationales ou des partenariats privés.

- Réformer rapidement le cadre légal pour mettre en œuvre la stratégie.

- Restaurer la confiance entre l’État et les citoyens grâce à une gestion transparente des crédits.

- Lancer des campagnes de sensibilisation pour informer les Libanais sur leurs droits et les risques liés aux intermédiaires informels.

Le logement : un levier social

Dans un pays qui s’effondre sur les plans économique et humain, relancer les prêts au logement n’est pas seulement une solution financière, mais un impératif social. C’est un outil pour freiner la pauvreté, ralentir l’exode, soutenir les familles et redonner de l’élan au secteur immobilier et à l’économie nationale.

Le citoyen libanais a aujourd’hui plus que jamais besoin d’un toit, d’un espace où reconstruire sa stabilité familiale et financière. Malgré ses blessures, la Banque de l’habitat a encore les moyens de se relever… à condition que la volonté politique et le soutien financier soient au rendez-vous.