Dans une initiative majeure visant à rétablir l’ordre dans le secteur chaotique de la distribution de carburants à Beyrouth, le gouverneur de la ville, le juge Marwan Abboud, a publié l’Avis Officiel n°2025/2812. Ce texte accorde aux propriétaires et exploitants de stations de distribution de carburants liquides non autorisées un dernier délai d’un mois pour régulariser leur situation. Cette décision intervient dans un contexte de pression croissante de l’opinion publique sur les autorités locales pour faire appliquer la loi, notamment dans les secteurs touchant directement à la sécurité et à la vie quotidienne des citoyens.
Le secteur pétrolier au Liban, en particulier la chaîne de distribution des carburants, demeure un pilier central de l’économie et des services essentiels du pays. Pourtant, il souffre depuis des années d’un désordre persistant et d’un manque flagrant de supervision. À Beyrouth, les stations-service ont proliféré de manière anarchique, parfois implantées au cœur de quartiers densément peuplés, à proximité immédiate d’écoles ou d’hôpitaux — souvent sans licence appropriée ni respect des normes techniques ou environnementales. Cette situation constitue non seulement une infraction à la loi, mais un danger réel pour la sécurité publique, où la moindre erreur technique pourrait provoquer une catastrophe.
La décision du gouverneur Abboud marque ainsi un tournant. Elle va au-delà de la simple correction administrative : elle transmet un message clair et ferme — l’État ne peut plus tolérer l’insouciance dans un secteur aussi critique. Cette posture est d’autant plus importante que le Liban fait face à des crises économiques et institutionnelles multiples. La décision s’appuie sur le décret n°5509 promulgué en août 2024, qui définit les conditions réglementaires encadrant les stations de carburant, ainsi que sur une lettre du ministre de l’Énergie et de l’Eau appelant à des mesures immédiates contre les stations illégales, incluant leur fermeture et leur scellage par la justice.
Ce cadre juridique traduit une volonté officielle plus large : celle de réguler le secteur non seulement dans une logique de légalité, mais aussi dans une perspective sécuritaire et humanitaire. La protection des citoyens contre les risques d’incendies et d’explosions n’est plus un luxe, mais une priorité nationale, notamment après les nombreux incidents dramatiques dus à des stockages inappropriés et des sites non conformes.
L’impact à long terme de cette décision réside dans la restauration de l’autorité de l’État sur un secteur devenu, ces dernières années, un symbole de dérive — souvent favorisée par les clientélismes politiques ou les protections sécuritaires. L’avis montre que les autorités municipales prennent désormais conscience que fermer les yeux n’est pas seulement un acte de corruption, mais un danger existentiel pour la ville et ses habitants. La réforme du secteur des carburants n’est donc pas qu’un acte technique : elle s’inscrit dans une vision plus large de reconstruction et de réhabilitation des infrastructures de la capitale.
La décision témoigne également d’une possibilité réelle de coopération institutionnelle. La coordination entre la municipalité de Beyrouth et le ministère de l’Énergie jette les bases d’un mécanisme de contrôle plus efficace et unifié. Mais la réussite ne dépendra pas des textes — elle reposera sur une application rigoureuse, sans exception ni discrimination, et sur l’engagement inébranlable des organismes concernés.
Cependant, cette campagne ne sera pas sans obstacles. Des résistances sont attendues de la part d’intérêts bien ancrés, habitués à opérer dans une zone grise légale. Par ailleurs, les ressources humaines et techniques des municipalités risquent d’être insuffisantes pour assurer une surveillance complète, nécessitant ainsi un appui conséquent de l’État central et des forces de sécurité.
Cette initiative constitue donc un test critique pour l’État libanais : peut-il réellement rétablir l’ordre dans l’un des secteurs les plus sensibles et les plus à risque du pays ? Si cette décision est suivie d’inspections concrètes, de procédures de régularisation claires et d’une mise en œuvre impartiale, elle pourrait marquer la fin d’un long cycle d’abandon. Mais si elle reste lettre morte ou est contournée par le favoritisme, elle ne sera qu’une promesse de plus, non tenue — et les Libanais n’ont plus la patience d’en attendre d’autres.
En définitive, cette décision dépasse le cadre réglementaire : elle est un véritable test de crédibilité pour un État appelé à protéger ses citoyens, et pour une ville comme Beyrouth qui aspire à rompre enfin avec le cycle destructeur du chaos, de la corruption et du laxisme.