Le Liban fait face à trois échéances critiques, urgentes et périlleuses, qui détermineront son futur proche et lointain, dans un contexte de profondes transformations allant de l’Iran à la Méditerranée, et du Yémen à l’Ukraine.
Les États-Unis et Israël poursuivent leur projet visant à « remodeler le Moyen-Orient », tandis que l’Iran, ses alliés et son axe régional s’y opposent avec leur propre vision d’un « Moyen-Orient remodelé ». Dans cette confrontation, chaque proposition avancée par Washington et Tel-Aviv sert leur plan, tandis que chaque initiative de Téhéran et de ses partenaires vise à le contrecarrer.
Par la force de la politique et de la géographie, le Liban est devenu une pièce maîtresse pour le succès de l’un ou l’autre projet, à la fois convoité, clé et verrou. Inévitablement, il est désormais la scène où une grande partie de ce bras de fer se jouera, et son avenir dépendra de l’issue de trois dossiers majeurs.
Le premier défi est le renouvellement du mandat de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), qui expire fin août. Au sein de l’ONU, un vif débat oppose Washington et Tel-Aviv, favorables à la fin de sa mission, à la France, aux Européens et aux partenaires arabes, qui plaident pour une prolongation, avec quelques ajustements de ses règles d’engagement. Le Liban insiste pour le maintien de la force, à la fois comme témoin des violations israéliennes du cessez-le-feu et rempart contre la transformation du sud en champ de bataille ouvert.
Certains estiment toutefois que les propositions du président américain Donald Trump pour le sud du Liban — transmises par son émissaire Tom Barrack et son aide Morgan Ortagus au ministre israélien des affaires stratégiques Ron Dermer — visaient à anticiper la décision de l’ONU. Trump a suggéré de créer une « zone économique Trump » sur les ruines des villages frontaliers libanais détruits, accompagnée d’un retrait israélien progressif de cinq collines occupées. Une initiative qui, selon des observateurs, pourrait annoncer le dernier renouvellement du mandat de la FINUL.
Le deuxième défi réside dans la réponse attendue d’Israël face au principe libanais de l’exclusivité des armes aux mains de l’État. Les analystes estiment qu’Israël n’entérinera pas pleinement le plan américain mais cherchera à entraîner le Liban dans des négociations directes en vue d’obtenir le traité de paix qu’il convoite depuis longtemps.
L’idée d’une « zone économique Trump » à la frontière a ravivé le souvenir de 1983, lorsque les négociations avaient abouti à l’Accord du 17 mai. À l’époque, des hommes d’affaires, soutenus par des responsables politiques, avaient acquis de vastes terrains le long de la frontière sud pour y développer des projets touristiques et économiques dans une « ère de paix » avec Israël. L’effondrement de l’accord a anéanti ces projets mais pas la propriété foncière, ce qui rend la proposition de Trump loin d’être anodine.
Une telle zone, placée sous parrainage américain et sans présence du « Hezbollah », créerait un tampon entre les communautés libanaises du sud et la frontière nord d’Israël, tout en empêchant le retour des habitants déplacés. Seules les personnes employées dans ses institutions et usines pourraient y entrer. Cela permettrait à Israël de réaliser son objectif de longue date : repousser le « Hezbollah » au nord du Litani.
Ce modèle rappelle l’idée antérieure de Trump d’une « Riviera du Moyen-Orient » à Gaza, un plan destiné à apaiser le conflit par des projets économiques, même au prix d’effacer la présence palestinienne dans l’enclave ou de la placer sous gestion américaine de façade et sous contrôle israélien en substance.
En parallèle, des discussions israélo-syriennes se tiendraient à Paris afin d’élaborer un accord sécuritaire, avec la perspective d’une rencontre à New York entre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et le président syrien Ahmad al-Charaa, sous l’égide de Trump, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies.
Pour l’heure, Israël paraît réticent à tout retrait ou cessez-le-feu tant qu’il ne constatera pas le début de l’application du principe de l’exclusivité des armes par le Liban.
Le troisième défi est la mise en œuvre par le gouvernement libanais de ce principe de l’exclusivité des armes à l’État. L’armée devrait soumettre son plan opérationnel au Conseil des ministres début du mois prochain. Selon certaines informations, le commandement militaire exigera un large consensus politique et national afin de soutenir et couvrir le plan, et d’éviter une confrontation directe avec le Hezbollah.
Le poids de ces trois échéances est écrasant. Le renouvellement du mandat de la FINUL aura des répercussions considérables. La perspective d’un règlement avec Israël demeure extrêmement complexe, la balle étant toujours dans le camp de Tel-Aviv. Quant à la question du désarmement, nœud des nœuds, elle reste la plus difficile à trancher. Commencer par les armes palestiniennes ne la résoudra pas, car la cause première demeure l’agression israélienne, aujourd’hui aggravée par le facteur syrien.
Pris entre des visions concurrentes pour le Moyen-Orient et trois décisions imminentes, le Liban se retrouve une fois de plus à la merci des puissances régionales et internationales, son destin lié à des affrontements qui le dépassent largement.