Face à l’aggravation des crises économique et sociale au Liban, la recherche de nouveaux secteurs productifs s’impose comme une priorité nationale. Parmi eux, la culture du cannabis à des fins médicales et industrielles attire de plus en plus l’attention, en raison de son fort potentiel économique et sanitaire, notamment dans les régions rurales longtemps marginalisées.

Lors d’une conférence intitulée « La culture du cannabis : entre réalité et espérance », organisée sous le patronage du Premier ministre Nawaf Salam en présence de plusieurs ministres et parties prenantes, le cannabis a été présenté non pas comme une simple culture agricole, mais comme le socle d’un projet économique intégré. Celui-ci s’étend aux secteurs pharmaceutique, cosmétique et industriel, à travers l’exploitation des fibres, des huiles et des matériaux organiques. Les participants ont souligné que ce secteur représente une occasion rare de bâtir une économie productive, en sortant cette culture de l’illégalité vers un cadre réglementé, transparent et favorable au développement durable.

Vision gouvernementale : de la législation à l’application

Le ministre de l’Agriculture, Nizar Hani, a affirmé que l’instauration de ce cadre législatif ne constitue pas une simple mesure technique, mais une responsabilité nationale majeure nécessitant une gestion rigoureuse et scientifique. Il a insisté sur l’importance de garantir la transparence et la reddition des comptes. Pour lui, la loi adoptée par le Parlement en 2020 constitue un point de départ pour moderniser la carte agricole du pays, diversifier la production en réponse aux changements climatiques et défis environnementaux, tout en plaçant le soutien au fermier libanais au cœur de toute réforme agricole réussie.

De son côté, le Premier ministre Nawaf Salam a rappelé que le gouvernement voit dans la culture du cannabis un secteur économique porteur, capable de générer des emplois de qualité, notamment dans des régions défavorisées comme la plaine de la Békaa. Il a souligné que cette filière pourrait offrir une alternative légale à une économie informelle et instable. Salam a aussi annoncé des efforts en cours pour créer une autorité de régulation indépendante chargée d’appliquer la loi, avec la mise en place d’un système de contrôle strict afin d’assurer la conformité et l’équité sociale.

Une opportunité en or pour l’économie libanaise

Pour l’économiste Dr Samer Najm, la culture du cannabis représente une chance en or de relancer l’économie libanaise en pleine crise. « Ce secteur, dit-il, pourrait générer plus d’un milliard de dollars par an grâce à la production, la transformation et les exportations. Mais au-delà de ces recettes, il peut aussi créer un écosystème économique intégré, reliant agriculture, industrie et recherche scientifique. »

Il insiste cependant sur la nécessité d’une gouvernance juste et transparente, à l’abri de tout monopole, et d’une répartition équitable des opportunités. « Il est essentiel, poursuit-il, d’offrir un accompagnement technique et des formations aux petits agriculteurs, qui représentent l’épine dorsale du secteur agricole libanais. Et toutes ces initiatives doivent s’inscrire dans des politiques de développement ciblant les régions rurales ayant longtemps souffert d’exclusion économique et sociale. »

Le Dr Najm conclut en soulignant que la réussite de ce projet dépendra d’une réelle volonté politique, d’un cadre réglementaire rigoureux et d’un partenariat actif entre l’État, le secteur privé et la société civile — des conditions indispensables pour assurer un développement durable et une justice sociale.

La culture du cannabis au Liban dépasse la simple introduction d’une nouvelle plante : elle incarne un projet de développement global, porteur d’un espoir réel pour revitaliser le secteur agricole et favoriser une croissance économique et sociale équilibrée. Avec une législation en place et un appui gouvernemental croissant, ce secteur pourrait devenir un levier puissant de l’économie nationale, générer des emplois concrets en milieu rural et positionner le Liban parmi les pays producteurs de cannabis médical et industriel, avec des produits compétitifs à l’échelle mondiale. Reste à assurer une mise en œuvre efficace et un contrôle rigoureux pour transformer cette vision en réalité.