Avec une pointe d’exagération, le Liban a accueilli l’arrivée des deux premiers vols d’Emirates à l’aéroport de Beyrouth, après la levée de l’interdiction de voyage imposée par les Émirats arabes unis à leurs citoyens. Une décision qui pourrait avoir un impact positif sur le pays, alors qu’il se prépare à une saison touristique prometteuse, surtout si elle s’accompagne du retour des visiteurs du Golfe, en particulier des Saoudiens. Le retour des ressortissants du Golfe pourrait signifier une relance économique et touristique, ainsi qu’un regain d’investissements.

Les pays du Golfe — principalement l’Arabie saoudite — ont longtemps été généreux envers le Liban, lui offrant soutien et protection. Ce soutien a perduré jusqu’à ce que les tensions politiques n’altèrent les relations ces dernières années.

Au-delà de la décision émiratie et de sa valeur symbolique — davantage émotionnelle qu’économique —, c’est surtout la réception théâtrale des deux avions qui a marqué les esprits : attroupements, distribution de confiseries et de fleurs, retransmission en direct dans les médias, et présence d’un représentant officiel de la présidence. Un spectacle qui rappelle l’accueil enthousiaste réservé à la visite du commandant de l’armée, Joseph Aoun, aux Émirats et en Arabie saoudite, ainsi que celle du Premier ministre Nawaf Salam à Riyad. Une mise en scène qui traduit des attentes exagérées et une lecture peu réaliste des événements.

Il convient de noter que le nombre de passagers émiratis à bord était modeste comparé à d’autres nationalités. D’ailleurs, plus d’Émiratis avaient continué à se rendre au Liban pendant la période d’interdiction que ceux présents sur ces vols inauguraux.

Le Liban, avide du retour des ressortissants du Golfe, compte sur eux pour redynamiser des secteurs en difficulté. Mais ce qui s’est produit jusqu’à présent reste strictement du ressort du tourisme, sans réelle portée politique ou économique. Du point de vue de Riyad, tout réengagement politique est subordonné à des conditions, au premier rang desquelles figure la réduction significative de l’influence politique et militaire du Hezbollah — une exigence considérée comme préalable à toute participation à la reconstruction et au financement de grands projets.

Pour les observateurs des relations libano-golfe, il est prématuré de parler d’un retour aux relations d’autrefois. Le contexte a changé. Les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, ne distribuent plus de chèques en blanc. Leurs investissements sont désormais conditionnés, soumis à des exigences de transparence, de contrôle, et marqués par une profonde méfiance à l’égard de la classe politique libanaise actuelle.

En dépit des espoirs du gouvernement libanais de voir revenir les investissements émiratis et saoudiens, certains estiment que l’échange de visites ne constitue pas en soi un partenariat économique. L’Arabie saoudite, par exemple, n’a encore signé aucun accord, malgré les rumeurs de coopération renouvelée après la visite présidentielle. Quant à la visite du Premier ministre, elle n’a abouti à aucun résultat concret — se résumant à une prière protocolaire de l’Aïd aux côtés du prince héritier, sans initiatives concrètes.

L’équation est claire : tout comme les États-Unis conditionnent leur soutien économique à la limitation de l’influence du Hezbollah, les pays du Golfe adoptent la même position. Aucune aide ne sera débloquée sans feu vert de Washington — et celui-ci n’a pas encore été accordé, ou seulement de manière conditionnelle.

Par ailleurs, la pression s’intensifie sur le Liban pour qu’il procède au désarmement total du Hezbollah. Tant que cette condition ne sera pas remplie, les aides resteront suspendues indéfiniment.

À ce stade, le retour des pays du Golfe au Liban se limite à quelques voyages modestes. Un réengagement politique, lui, reste tributaire d’un enchevêtrement de facteurs complexes — les élections municipales ou législatives n’en faisant pas partie.

Il s’agit d’un retour symbolique, plus que politique ou économique. Mais pour de nombreux Libanais, c’est un signe d’espoir — qui pourrait ouvrir la voie à une levée de l’interdiction saoudienne sur les voyages au Liban, avec les retombées positives que cela pourrait entraîner.

Des sources du Golfe confirment que la levée de l’interdiction par les Émirats constitue un test préliminaire pour le Liban. La condition principale posée par l’Arabie saoudite demeure l’arrêt des campagnes médiatiques hostiles à son encontre. Selon certaines estimations, le gouvernement libanais se verra bientôt demander formellement de s’y engager, dans le cadre des efforts pour améliorer les relations. Faute de quoi, l’aide et les flux touristiques continueront d’être retardés.