Les vieilles guerres et les rancunes sont vite ravivées dans un monde en pleine ébullition. L'Inde et le Pakistan sont à nouveau en conflit au sujet du Cachemire. Le déclencheur, un attentat terroriste perpétré il y a une dizaine de jours dans cette région contestée, qui a coûté la vie à 26 touristes – principalement des indiens – a remis face à face les deux rivaux sud-asiatiques dotés de l'arme nucléaire.

L'Inde considère cet incident comme un acte de terrorisme soutenu par le Pakistan et affirme sa volonté de traquer les auteurs de cet attentat même au-delà des frontières. De plus, en une réaction immédiate, l’Inde suspend le traité sur les eaux de l'Indus afin de priver le Pakistan de l'eau du fleuve, qui traverse la région du Jammu-et-Cachemire sous contrôle indien. Contre réaction pakistanaise : condamnation de la mesure indienne, la qualifiant « d’acte de guerre ». Les deux camps placent leurs armées en état d'alerte, et de sporadiques échanges de feu sont signalés le long de la ligne de démarcation, encore appelée « ligne de contrôle », une sorte de frontière de facto établie dans la région après la première guerre indo-pakistanaise de 1947-1948.

Le ministre pakistanais de la Défense affirmait récemment qu’une « incursion militaire » indienne est imminente. Quelles sont les chances d’éclatement d’une vraie guerre entre ces deux pays limitrophes qui possèdent tous deux la bombe nucléaire ?

Au vu de l’état économique des deux pays, une vraie guerre semble peu probable, car elle aurait sans doute des conséquences catastrophiques pour les deux antagonistes.

L'Inde et le Pakistan se sont déjà livrés deux guerres, en 1965 et 1971, avec une conséquence historique pour le Pakistan qui a été démembré avec la création du Bangladesh.

Une troisième guerre fut évitée de justesse en 1999 lorsque les deux pays frôlent un échange nucléaire au Cachemire à Kargil. Les conséquences calculées alors d’une guerre nucléaire, ont freiné l’ardeur militaire des deux camps. La dissuasion nucléaire est restée depuis les dernières dix années, la garante d’une paix constante mais fragile. Des échanges périodiques ont néanmoins été rapportés toujours le long de cette fameuse « ligne de contrôle ».

On peut dire que cette fois aussi, la dissuasion nucléaire a joue un rôle pacificateur, empêchant les deux protagonistes de se lancer dans une aventure militaire aux conséquences désastreuses.

Retour sur l’Histoire

Avec un retour sur l’Histoire, on se souvient qu’en 1947 au lendemain de la 2eme guerre mondiale, l’Inde sous contrôle Britannique fut divisée en une Inde non-musulmane et un Pakistan musulman. Les populations de l’époque vivant sur un territoire unique décident de rejoindre chacune son pays de religion. Près de 13 millions de personnes traversèrent la nouvelle frontière dans les deux sens. Une migration sanglante au cours de laquelle plus d’un million de personnes trouvèrent la mort.

En bref, aujourd’hui, une fois de plus, L'Inde accuse le Pakistan de soutenir des groupes terroristes opérant au Cachemire et au-delà des frontières. Des attentats comme celui du Parlement indien en 2001, les attentats de Bombay en 2008 et l'attentat suicide de Pulwama en 2019 ont fortement exacerbé les tensions.

Reste à voir maintenant, le positionnement de grandes puissances face à ce nouveau risque de guerre. De tout évidence, on trouve les Etats-Unis en tête, la Russie et la Chine ; les trois ayant des intérêts différents et souvent conflictuels. Ce qui les unit c’est surtout le risque de basculement dans le conflit nucléaire avec tous les dangers que cela comporte. Un autre paramètre les positionne dans le même siège de spectateurs : le risque croissant du terrorisme dans le sud-est asiatique. Enfin, le risque d’extension d’une guerre vers les pays du Moyen-Orient ou vers l’Est, avec des implications militaires et économiques sérieuses vu les disruptions possibles des réseaux de distribution et d’échange avec un Inde en pleine émergence technologique.

D’une manière plus globale, il est évident que les trois puissances citées luttent pour une influence croissante dans la région indopacifique pour un contrôle vital de l’Asie du sud.

Pour les Etats-Unis, le Pakistan est un allié stratégique dans la lutte contre la Russie, une lutte qui remonte aux années de la guerre froide avec l’ex-Union Soviétique. L’Inde pour sa part, pays non-aligné avait favorisé l’Union Soviétique / Russie dans ses relations internationales jusqu’en 1990 lorsque l’Inde a opté pour un système économique libéral, et a coopéré avec les Etats-Unis en matière de sécurité après le 11 septembre. Depuis, les États-Unis interviennent souvent comme médiateurs à huis clos pour apaiser les tensions avec le Pakistan.

Pour la Russie, l’Inde a toujours été un allié, et lors de la guerre indo-pakistanaise de 1971 (qui a conduit à la création du Bangladesh), l'URSS a fourni à l'Inde un soutien diplomatique, militaire et de renseignement. La Russie reste aujourd’hui un important fournisseur de défense de l'Inde, mais s'efforce de maintenir un équilibre avec le Pakistan. Ce qui inquiète plus la Russie est la position floue de l’Inde dans le BRICS. L’Inde semble encore hésiter à entrer de plain-pied dans le système, et continue de faire patte de velours à l’égard du dollar.

Pour la Chine (nouveau casse-tête pour les deux grandes puissances), elle gagne en influence subrepticement. Elle est devenue en moins de dix ans, un acteur clé en Asie du Sud. Elle est étroitement alliée au Pakistan (leur relation est souvent qualifiée d’« amitié à toute épreuve »). Elle fournit au Pakistan, une aide militaire, des technologies nucléaires et des investissements dans les infrastructures. Ceci montre un intérêt stratégique destiné à contrebalancer la puissance régionale croissante de l'Inde. De plus, la Chine et l'Inde ont leurs propres différends frontaliers (comme les affrontements de la vallée de Galwan en 2020), ce qui ajoute à la complexité des interrelations.

Dans ce contexte complexe, tous les protagonistes en place doivent déployer des efforts de pacification extrêmes pour éviter de mettre en péril la nouvelle « Ceinture et route » mise en place par la Chine avec le Pakistan, et qui traverse le Cachemire sous contrôle Pakistanais. L’Inde s’oppose fermement à cette initiative, véritable cordon ombilical pour toutes les économies de l’Est asiatique.