Le divorce n’étonne plus au Liban, à la lumière de la montée des pressions économiques, de la complexité des relations sociales et de l’absence de stabilité psychologique. En réalité, les cas de divorce augmentent de manière inquiétante. Selon « Information International », le taux de divorce est passé de 16,1 % en 2010 à environ 27,6 % en 2020, plaçant le Liban au sixième rang des pays arabes et traduisant un changement notable dans la perception sociale du mariage et de la séparation.
quand le divorce devient-il une option nécessaire, voire salutaire ?
À ce sujet, la chercheuse en anthropologie et en communication, Dr Layla Chamseddine, a déclaré à Al Safa News :
« Personne n’entame une relation conjugale en pensant qu’elle finira par un divorce, mais la réalité prouve le contraire. Le mariage n’est plus à l’abri de l’effondrement, et il nous faut comprendre les raisons profondes de cette augmentation des divorces. »
Elle souligne que l’un des principaux facteurs de l’échec des relations conjugales est le manque de communication efficace. De nombreux couples n’ont jamais appris à exprimer leurs émotions ni à écouter l’autre avec respect. Avec le temps, ce manque de communication devient une fracture permanente difficile à réparer.
Elle ajoute : « La négligence émotionnelle, l’infidélité, les pressions financières et les attentes élevées envers le partenaire fragilisent la relation et créent un environnement instable. »
Elle précise que la pandémie du COVID-19, l’enseignement et le travail à distance, ainsi que l’insécurité financière ont poussé beaucoup de gens à reconsidérer leurs relations et leurs priorités.
Outre les facteurs psychologiques et sociaux, on ne peut ignorer l’impact de la violence domestique, qui constitue, dans certains cas, une raison directe du divorce. Entre septembre 2023 et septembre 2024, 15 crimes familiaux ont été documentés au Liban, dont la majorité des victimes étaient des femmes, tuées par leurs maris ou proches masculins. Cette réalité choquante impose à la société et à ses institutions légales et sociales une grande responsabilité pour protéger les victimes et leur garantir un environnement sûr.
Malgré toutes ces raisons, la Dre Chamseddine met en garde contre les décisions prises sous l’effet d’émotions passagères ou de la pression.
« Certaines relations peuvent être sauvées », affirme-t-elle, « à condition qu’il y ait un soutien approprié et une volonté réelle de changement des deux parties. Il est donc essentiel de recourir à des consultations conjugales ou psychologiques avant de prendre une décision aussi déterminante. »
Par ailleurs, l’évolution du rôle de la femme dans la société libanaise a largement contribué à l’augmentation du taux de divorce. Aujourd’hui, beaucoup de femmes sont indépendantes, financièrement et psychologiquement, et le divorce ne signifie plus nécessairement pauvreté ou dépendance. Les organisations féministes et les associations de défense des droits ont également offert un soutien concret aux femmes avant, pendant et après le divorce, encourageant ainsi beaucoup d’entre elles à surmonter leurs peurs.
Il ne faut pas non plus négliger l’effet des réseaux sociaux, qui ont certes facilité les échanges, mais ont aussi accru les comparaisons irréalistes et semé un sentiment constant d’insatisfaction dans certaines relations.
L’un des défis actuels reste le manque de préparation psychologique au mariage. Beaucoup de couples ne disposent pas des outils émotionnels nécessaires pour gérer une relation durable. « On nous élève avec l’idée du mariage », explique Chamseddine, « mais on ne nous enseigne pas comment vivre au sein de cette relation. On sait choisir une tenue ou une carrière, mais on ignore comment choisir son partenaire de vie. »
Elle estime que l’éducation émotionnelle devrait commencer dès l’école et se poursuivre à l’université, en abordant la communication, la connaissance de soi et la compréhension des relations. Elle propose également de rendre obligatoire, pour les futurs mariés, la participation à des sessions éducatives courtes, au même titre que certaines formalités administratives, afin de réduire les cas de divorce.
De son côté, une femme dans la trentaine a partagé son expérience du divorce avec « Al Safa News » après des années de souffrance psychologique :
« Je suis restée dans une relation toxique pendant des années par peur du regard des autres. Aujourd’hui, je vis en paix. Le divorce n’est pas une fin, comme certains le pensent, mais le début d’une nouvelle vie que je mérite. »
En fin de compte, il n’existe pas une seule réponse à la hausse du taux de divorce, mais il est clair que ce phénomène représente un défi social grandissant qui appelle à une prise de conscience collective et à l’éducation. Comme le conclut Chamseddine :
« Un mariage réussi ne repose pas uniquement sur l’amour, mais sur le respect, la communication et la capacité à résoudre les conflits. Si ces éléments sont absents, le divorce peut devenir le premier pas vers une vie plus saine et équilibrée. »