À peine le pape Léon XIV avait-il quitté le Liban que la trajectoire des négociations libano-israéliennes s’est soudain accélérée, presque comme une réponse au slogan de sa visite : « Bienheureux les artisans de paix ». Il avait répété cet appel à la paix dans chacun de ses discours et sermons. Mais dans ses rencontres à huis clos avec les responsables politiques et religieux, il est allé plus loin, exhortant explicitement à l’ouverture de négociations de paix entre le Liban et Israël afin de parvenir à un accord mettant fin à la guerre.

La première étape urgente — qui a semblé répondre à son appel — fut l’« injection » surprise de deux personnalités civiles au sein du comité du Mécanisme. Il est ensuite apparu que la question était à l’étude depuis des mois, comme l’a indiqué le président Joseph Aoun devant le Conseil des ministres. Le Liban a nommé son ancien ambassadeur à Washington, Simon Karam, à la tête de son équipe de négociation au sein du mécanisme, tandis qu’Israël a désigné l’ancien responsable sécuritaire Uri Reznik. Le comité ainsi « élargi » a tenu une première réunion en présence de l’émissaire américaine Morgan Ortagus, et se prépare à une seconde réunion le 19 du mois en cours.

Les premières évaluations de la situation libano-israélienne après cet « élargissement » indiquent qu’il s’agit d’une évolution tactique et temporaire destinée à renforcer les négociations et à éviter la guerre — et non d’un tournant stratégique vers la normalisation ou un accord de paix.

Le Liban considère ces négociations comme strictement techniques et sécuritaires, sans visée de paix ou de normalisation, et poursuit les objectifs suivants : l’arrêt des attaques israéliennes ; le retrait complet d’Israël des points occupés dans le Sud conformément à l’accord de cessez-le-feu et à la résolution 1701 de l’ONU ; la libération des détenus libanais ; et le renforcement du rôle de l’État et de l’armée dans le Sud.

Mais Tel-Aviv a rapidement décrit la démarche engagée lors de la première réunion du comité comme une tentative initiale d’instaurer une « paix et une coopération économique », liant toute avancée à plusieurs conditions : le désarmement total du Hezbollah, la sécurisation des frontières et la fin des menaces. Israël a également proposé de remplacer l’idée d’une « zone tampon » militaire par une « zone économique conjointe » — la « zone économique de Trump », une idée lancée par l’administration américaine précédente avant l’accord de Gaza.

Cependant, un passage vers des négociations de paix ou une normalisation directe et globale paraît peu probable dans un avenir proche pour de nombreuses raisons. D’importants acteurs politiques libanais refusent de transformer ces discussions en négociations de normalisation ou de paix et conditionnent tout pas dans cette direction à l’Initiative arabe de paix de 2002 et à la solution à deux États. Le contexte politique interne n’est pas prêt non plus, l’épineuse question des armes du Hezbollah restant irrésolue et source de profondes divisions. Toute discussion sérieuse sur la paix nécessiterait d’abord une solution à ce dossier — ce qui demeure actuellement impossible. Parallèlement, les pressions américaines et internationales vont dans le sens inverse : elles se concentrent sur la prévention de la guerre et la stabilisation par des mesures techniques, et non sur une poussée vers la normalisation, laquelle pourrait menacer l’équilibre interne fragile du Liban.

Certaines sources politiques notent que les États-Unis et Israël établissent désormais un lien entre les dossiers libanais et syriens, tout en accordant la priorité à la Syrie. Il existe effectivement des similitudes entre les deux scènes, sans pour autant qu’elles soient identiques. Les deux sont motivées par des efforts américains visant à stabiliser le Sud du Liban et la Syrie, et à empêcher toute escalade régionale menaçant les intérêts de Washington. De leur côté, le Liban et la Syrie cherchent à obtenir des avancées sécuritaires concrètes — avant tout la fin des attaques israéliennes et le retrait israélien de leurs territoires méridionaux — avant toute discussion de paix ou de normalisation. Il apparaît toutefois clairement que les pourparlers syro-israéliens sont beaucoup plus avancés et proches d’un accord, tandis que la piste libanaise demeure encore à un stade très préliminaire.

Certains estiment que l’objectif initial de l’élargissement du comité du mécanisme et du lancement des négociations est la gestion du conflit et la prévention de la guerre plutôt que sa résolution. Ainsi, l’avenir de la situation dépendra de la capacité du mécanisme à stopper l’escalade et à garantir au Liban des gains sécuritaires concrets, au minimum l’arrêt des attaques israéliennes et le retrait des points occupés par l’armée israélienne dans la zone frontalière.

En ce qui concerne les perspectives à venir, plusieurs scénarios se dessinent — deux en particulier, l’un plausible et l’autre probable :

— Le scénario plausible : Israël pourrait recourir à une escalade militaire majeure s’il estime que les gains politiques issus des négociations sont limités. Il pourrait ainsi mettre à exécution la frappe militaire qu’il menace de lancer depuis des mois pour tenter d’imposer ses conditions.

— Le scénario probable : Un compromis pourrait émerger, menant à un accord sur des arrangements sécuritaires techniques, tels que la création d’une zone démilitarisée au sud du Litani, sous supervision internationale — une proposition comparable à ce qui est actuellement discuté entre la Syrie et Israël.

Ainsi, le chemin actuel peut être décrit comme une marche sur un pont étroit au-dessus du gouffre de la guerre. Il pourrait ouvrir la voie à des arrangements sécuritaires temporaires, mais la route vers une paix durable ou une normalisation demeure close à court terme, en raison de l’immense fossé entre les positions des deux parties et des obstacles structurels internes et régionaux.